Comédie d'après Georges Perec,mise en scène de Marie Martin-Guyonnet, avec Jehanne Carillon, Jean-Marc Lallement et Olivier Salon.
"L'augmentation" traite de l'histoire d'un modeste employé, travaillant dans une grande société, et souhaitant obtenir une augmentation de salaire. Comment s'y prendre? Existe-il un moyen, une méthode qui permettrait de mettre le maximum de chances de son côté, afin d'obtenir la dite augmentation?
En appliquant à une situation de la vie de l'entreprise assez commune (quel employé n'a pas déjà souhaité ou même demandé une augmentation à son patron) une méthode de séquencement logique normalement utilisée pour les algorithmes de programmation, Georges Perec, ex-documentaliste dans un laboratoire qui dépend du CNRS, évoque, avec beaucoup d'humour et une certaine loufoquerie, le monde du travail, ses travers, et sa tendance à broyer les différences et les initiatives.
Car reste-t-il une place à l'individu dans un milieu où la performance est de rigueur et où l'anticipation et la prévision de toutes les possibilités problématiques ou non est l'exigence? Peut-on s'épanouir, s'affranchir du malaise et de l'usure qui guète l'employé que nous sommes, garder sa dignité, son indépendance d'esprit ?
Six personnages incarnent les différentes étapes de la procédure mise en place par Perec. La proposition (vous avez décidé de demander une augmentation à votre chef de service. Vous vous rendez-donc devant son bureau) est suivi de l'alternative (ou bien il est là, ou bien il n'est pas là) et des deux hypothèses, l'une positive, l'autre négative, examinées successivement (il est bien là, il n'est pas là). S'en suit alors un choix (suit-on l'hypothèse positive ou négative) duquel découle une conclusion (s'il est là vous frappez, s'il n'est pas là vous allez voir Mme Yolande).
La conclusion devient alors proposition (supposons que votre chef de service est là et que donc, vous frappiez, vous demande-t-il d'entrer?) et le processus recommence, inexorablement, rendant le but de la démarche de plus en plus inaccessible, tant les possibilités pour y arriver son nombreuses.
Marie Martin-Guyonnet (grande amatrice de défi puisqu'elle joue également dans ce même théâtre "Un cœur simple" de Gustave Flaubert) s'attèle à la mise en scène de l'œuvre de Perec, mise en scène d'autant plus difficile que le propos est riche et abondant. La recherche formelle, l'originalité, la loufoquerie, l'ironie mordante de l'auteur sont cependant rendu avec beaucoup de brio.
Trois comédiens (Jean-Marc Lallement, Jehanne Carillon et Olivier Salon) incarnent les six personnages et les différents "caractères" qui composent l'entreprise: l'employé, la secrétaire, le sous-chef, le chef, et l'Autre. Leur remarquable prestation est à la hauteur de cette adaptation menée tambour battant.
Rythmes endiablés, jeu chorégraphié (par Sophie Quénon), chants originaux (composés par Eléonore Bovon) et univers stylisé (œuvre de Véronique Belmont-Kadogami) qui fait un beau clin d'œil aux années soixante-dix, sont la signature cette adaptation pleine d'humour et de vitalité.
La succession des propositions, alternative, hypothèses, choix et conclusion, nous emporte avec jubilation à la conquête de l'Everest que devient l'obtention de cette augmentation, dans une surenchère de mots, de possibilités, et de situations.
Le tout nous donne une comédie drôle, féroce et déjantée. |