La jeune et prolifique Californienne Emily Jane White (trois albums en autant d’années) poursuit son parcours sans faute et gagne en maturité sans se départir de son innocence et de son timbre magnifique.
On avait découvert sa voix limpide et claire en 2008 sur le désarmant et épuré Dark Undercoat et ses deux flèches "Hole in the Middle" et "Wild Tigers I Have Known" qui avaient fait bruisser les réseaux indépendants ; on l’avait également accompagnée l’année suivante sur un Victorian America (et son chouette titre éponyme), plus étoffé… La belle Américaine était donc attendue au virage de son troisième album (peut-être pas si tôt, mais les longues tournées et ses nombreux voyages semblent avoir alimenté son inspiration).
Pour une fois (ça devient rare de nos jours mais c’est une habitude pour elle), l’esthétique est assurée dès la pochette, véritable objet de promotion pour l’achat du 33T (belle photo en clair obscur, accompagnée d’une police de caractère stylée).
Dès le premier titre (le mélancolique "Oh Katherine"), on constate que l’univers de l’Américaine n’a pas bougé d’un iota : toujours cette folk lumineuse et brillante qui donne la chair de poule. La jonction est désormais faite entre ses deux précédents opus : on retrouve le dépouillement du premier et les arrangements du second (impression confirmée par le fait que certains titres ont été ébauchés durant cette période). La production est impeccable et la voix toujours aussi troublante : cela semble si simple mais une écoute approfondie dévoile la contribution des cordes par ci, l’apport d’une guitare électrique par là, les effets de la section rythmique, toute en toucher. Ce petit monde discret est d’une efficacité redoutable et au chevet du piano ou de la guitare folk de la Maîtresse de cérémonie. Certes, on pense souvent à Chan Marshall et Alela Diane au fil des morceaux mais ces comparaisons ne sont personnellement pas pour me déplaire !
Difficile de sortir un titre du lot, tant l’ensemble est cohérent et de haute facture ; "The Cliff", un des morceaux les plus rythmés de l’album est bouleversant et la pureté du son, écouté sur du matériel de qualité, emporte tout sur son passage. Le refrain de "Black Silk" donne le frisson… Les cordes frémissantes et le sublime pont final au piano de "I Lay to Rest (California)" ont de quoi faire rougir notre Yann Tiersen national (période Rue des Cascades). Je pourrais aussi parler du majestueux "Clipped Wings", de l’inquiétant et sombre "The Preacher" ou du très Country "Broken Words" mais autant laisser l’auditeur plonger de lui-même dans cette douce mélancolie ! D’ailleurs l’album est de saison : le changement de temps, le froid qui reprend le dessus… voilà de bons arguments pour aller chercher du réconfort auprès de ces perles soyeuses.
Vous l’aurez compris, je suis sous le charme de ces dix titres sans fioriture ; ce sentiment est d’ailleurs largement confirmé par l’écoute live des morceaux, qui gagnent en puissance en parvenant à conserver l’atmosphère recueillie du disque.
Rarement un titre d’album n’aura aussi bien tenu ses promesses… Je n’aurai qu’un conseil : jetez de toute urgence une oreille attentive à cette Ode et si Emily passe près de chez vous, foncez écouter son sermon ! |