Comédie de Nicolas Gogol, mise en scène de Lilo Baur, avec
Yves Gasc,
Catherine Sauval,
Jean-Baptiste Malartre,
Alain Lenglet,
Clotilde de Bayser,
Laurent Natrella,
Julie Sicard,
Nicolas Lormeau,
Nâzim Boudjenah et
Géraldine Roguez.
A l’occasion de l’année franco-russe, alors qu’une partie de la Comédie-Française joue son répertoire à Moscou, Saint-Pétersbourg et autres contrées, la célèbre pièce de Nicolas Gogol est actuellement montée au Vieux-Colombier.
Kapilotadov, célibataire murissant, cherche femme. La marieuse, l’Ivanovna, a déniché, dans son fichier, la perle rare. Mais les prétendants affluent , attirés par la dot de la future. Grâce à un bon camarade, qui le pousse au bout de ses hésitations, Kapilotadov remporte la mise. Le voici près d’être marié : abîme d’angoisses…
Lilo Baur, le metteur en scène, a opté pour une scénographie classique et colorée, où les costumes évoquent autant l’univers de Dickens que celui de la vieille Russie. Les comédiens, déchaînés, libérés de ces "trouvailles" lourdaudes qui parfois, gênent leur jeu, explosent, fusent, portant cette troupe à un niveau d’excellence rarement atteint.
Clotilde de Bayser, fabuleuse, se transforme en effroyable mégère édentée, la marieuse diabolique, maquerelle des nœuds sacrés, qui trompe tout le monde, s’étonne des déceptions, aiguise les appétits, retire le tabouret sous les encordés au cou : quelle figure et quel talent de métamorphose !
Le fiancé, c’est le grand Nâzim Boudjenah, étoile montante, qui impose son personnage de fonctionnaire indécis et pataud, avec une frénésie, une vitalité réjouissantes.
La brochette des candidats au mariage vaut le détour : Nicolas Lormeau incarne le gras Monsieur Omelette, homme pressé de ses affaires, butor, mufle, incapable de sentiment. Alain Lenglet, lui, est un militaire vieillissant, portant beau, qui a beaucoup aimé et demeure seul, radotant délicieusement. Près de lui, un "vieil Hamlet" en collant, Jean-Baptiste Malartre vague officier d’une armée de soldats de plomb, irrésistible dans ses entrechats et ses minauderies d’imitateur du "grand monde". Yves Gasc, en vieux marchand à la "monsieur Pickwick" est savoureux également.
Laurent Natrella, le bon ami de Kapilotadov, joue juste, fort et représente le brave homme, mais l’est-il ? Enfin, la fiancée, Julie Sicard, désopilante de bout en bout, incarne la vieille fille proche de la trentaine qui doit harponner à tout prix un mari présentable.
Autre maquerelle avec la marieuse, la tante, Catherine Sauval, costumée d’abord en vieille bobo à pancho, se métamorphose en un genre de vieille George Sand compassée, avide et sélectionneuse. Dernière marionnette, la bonne, formidable Géraldine Roguez, cassée en deux, rampante, serpillère, est irrésistible dans ses apparitions.
Farce terrible sur le mariage, symbole d’éternité dans la félicité ou l’horreur, la pièce de Gogol porte, malgré une traduction parfois triviale (injures mornes, à l’américaine), incendie de cocasseries, de mimiques, de pitreries savantes, "Le mariage" confirme la maturité d’une grande troupe générationnelle en pleine santé : A savourer sans attendre ! |