On avait infiniment aimé ses coquelicots trashs il y a quelques années, gouailleurs, insoumis, littéraires. On reste un peu sur sa faim avec son portrait en Tête de mule. Aussi fort soit le portrait en couverture de l'album, on a un peu l'impression que quelqu'un a trouvé comment obliger Anaïs Kaël à devenir un peu sage.
Passé au second plan le piano, un peu rabaissée la grande gueule, Anaïs rentre dans le rang de la chanson française, aux textes moins abrasifs, aux thèmes plus abusés peut-être, un rien variet', s'en va chanter des reprises de France Gall sur W9.
Avec une voix à faire se damner tous les mélomanes de la terre, qui auraient pu la laisser s'asseoir à la même table qu'une Fiona Apple (son modèle de jeunsse), qu'une Shannon Wright, qu'une Polly Jean Harvey (première époque) à la française – une Edith Piaf en rock et noir, comme ce drapeau cher à Léo ; avec autant d'intelligence dans ses textes que de sensualité dans la peau du diable de son corps, de fougue et de colère dans les pattes ; avec ces élans jazz gueulards à dépoussiérer les costards de tous les grands noms des grands disparus de cette grande musique ; avec cette chaleur qui lui colle à la peau, au cœur, aux mots, à pleine gorge ; avec ce refus des choses bonnes et des conventions, des choses connes et des boniments, des mensonges et leurs tourments, innocente forcenée, pour ainsi dire, Anaïs Kaël avait tout, tout, tout pour nous ravir notre cœur. Qu'on nous la rende, plus sauvage ; cette tête de mule est trop apprêtée. |