"Y'a
personne dans ce saloon !"
Tels sont les premiers mots de la soirée proférés
dans la salle de concerts du Mondo par un simili-redneck avec casquette,
chemise américaine, et pinte de bière à la
main. L'ambiance est donnée.
Le programme est intéressant : un groupe de lo-fi western,
un autre de "Crazy Voodoo Garage Rock", un bar rempli
de rockers et rockeuses tatoués, de rockabillers venus tout
droit d'un épisode de Happy Days, bref une soirée
presque ordinaire dans ce haut lieu du rock !
Avec 1 heure de retard, les trois cow-boys de Callahan's
Bullitt arrivent sur la scène. Le public reste dans
le bar à siroter de la bière fraiche malgré
le début du concert. Dès le premier morceau, nous
voyagons dans le temps : nous sommes au far west, au pays de Sergio
Leone et de Clint Eastwood.
Le groupe ne triche pas : ils font un rock instrumental original
qui fonctionne très bien. Une guitare sèche pour la
rythmique, une guitare electrique avec ce qu'il faut de wah-wah
et de distortion, une batterie pour soutenir le tout, et de longues
heures à ecouter l'intégrale d'Ennio
Morricone pour réussir à s'en inspirer sans
toutefois plagier le maître. Les morceaux sont entrainants
et font travailler l'imaginaire. On voit les cow-boys, les indiens,
Eddy Mitchell, la cavalerie, et on attend
avec impatience l'arrivée des chevaux sauvages dans la salle
presque deserte du Mondo.
Callahan's
Bullitt est un groupe original. Tellement original qu'on se demande
pourquoi ils sont les seuls à faire ce style de musique.
Du rock western, sans banjo, sans chapeau de paille, sans chanteuse
à moitié saoule qui raconte la vie de Billy the Kid
ou la difficulté de vivre avec un hors-la-loi. De la vraie
musique de jeunes avec de gros morceaux de far west dedans. On leur
souhaite une longue carrière.
Deadbolt, le second groupe de la soirée
reste dans la même veine : amérique, années
60, voodoo, rouflaquettes. Seulement cette fois ce ne sont pas des
jeunes rennais, ce sont de vrais briscards américains, avec
lunettes noires, cuir et gomina.
Le groupe annonce la couleur sur leur site web et leurs affiches
: le groupe le plus effrayant du monde. Et j'avoue qu'à premier
abord, sans vouloir être poltron, ce genre de phrase me fait
refléchir : vont-ils jouer avec des serpents ? manger les
spectatrices du premier rang ? avaler des araignées vivantes
? jeter des sorts au barman pour transformer l'eau en bière
? Bref, vont-ils tenir leur promesse ? Et bien non !
Je fais l'erreur de rester en retrait dans la salle et je me retrouve
au milieu d'une foule qui débarque du bar pour assister au
spectacle. Cette fois-ci le lieu est rempli. Sur la scène,
un cordon de sécurité "Danger" a été
mis en place ; les trois gaillards chaussent les lunettes noires
et le guitariste s'empare d'une disqueuse et d'un pieu pour cracher
des étincelles sur ses compères avec un sourire maléfique.
Le bassiste lui crache son mégot (pendant tout le concert,
ils joueront d'ailleurs à se cracher leurs mégots)
et le concert commence.
Si
la mise en scène est aussi horrifique et plausible qu'un
mauvais Ed Wood, la musique est excellente.
Après s'être retrouvé dans les plaines du far
west avec les Callahan's Bullitt, on est maintenant en plein bayou,
avec de la reverb à fond les gamelles, des voix graves mais
paisibles et une rythmique sérieuse et efficace.
Pas de fioritures, de la bonne surf music très calme, très
posée. Après Sergio Leone, c'est Tarantino,
du Pulp Fiction au Mondo Bizarro. Certes les paroles se limitent
parfois à des "Son of a bitch" bien sentis ou à
des rictus effrayants (enfin aussi effrayants que le coup de la
disqueuse) mais on est captivé par l'ambiance en se disant
que ce sont des gros durs au coeur tendre qui aiment ce qu'ils font
(et qui le font au deuxième degré je l'espère).
En résumé, comme d'habitude, une soirée de
surprises et de découvertes, un voyage dans le temps et dans
le rock. Merci le Mondo Bizarro !

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