Spectacle conçu et mis en scène par Nicolas Briançon, avec Anne Charrier et Nicolas Briançon.
"Au moment de la nuit" résulte de la juxtaposition de deux œuvres : "La nuit et le moment" de Crébillon Fils et "Le pain de ménage" de Jules Renard.
A travers ces deux moments de la nuit, séparés par deux époques, deux niveaux de langages, deux situations bien différentes, c'est pourtant un même thème, universel et intemporel qui est abordé : celui de la valse hésitation de la séduction, entre euphorie et désillusion, où on parle des autres pour mieux parler de soi, du rapport homme-femme, de la solitude aussi, du désarroi parfois, de deux êtres qui s'affrontent pour mieux se rapprocher et se tenter l'un l'autre.
L'homme, charmeur, tentateur, beau parleur est à chaque fois l'initiateur de ces apartés. Conquérant, il exprime son désir et va chercher celui de sa partenaire. Mais est-il sincère? Et au final, est-il consistant ? Elle, entourée de solitude, semble émue, touchée de l'hommage fait à sa personne, et pourtant réticente. Elle interroge cet homme à l'"appétit d'aigle mais [à l'] envergure de moineau".
Crébillon Fils et Jules Renard font tout deux de la femme, forte d'une intelligence et d'un sens de la préservation instinctif, l'héroïne de leur pièce et posent à travers elle les jalons d'une certaine morale amoureuse. Car si le moment de la nuit est celui de toutes les faiblesses, de toutes les joies éphémères et de tous les espoirs aussi, que restera-t-il à l'aube?
Célibataires ou en ménages, volages ou constants, ces hommes et ces femmes nous parlent de nous et nous interrogent sur le désir et l'amour.
La mise en scène moderne, sobre et nuancée de Nicolas Briançon fait mouche et donne tout l'espace nécessaire au jeux des comédiens en dépit de la langue parfois hardie (de Crébillon Fils surtout).
Il retrouve sur les planches sa partenaire dans la fiction télévisée "Maison close", Anne Charrier, qui explose de sensualité et possède la fêlure intérieure qui la rend toujours juste. A la fois forte, faible, coquette et prude, elle incarne avec brio "La" femme et nous séduit à coup sûr. La complicité et le plaisir que prennent les deux comédiens à se retrouver sur scène est évident et très communicatif.
Malgré une première partie un peu poussive, on goûte au plaisir de ce jeu universel et on comprend que ces deux moments de la nuits ne se juxtaposent pas mais s'éclairent l'un l'autre et s'enrichissent. |