Sous le titre "Hervé Guibert - Photographe", la Maison Européenne de la Photographie propose une exposition qui, pour le moins, interpelle à plus d'un titre.
D'une part, Hervé Guibert n'était pas photographe même s'il a utilisé un appareil photographique. Iconique beauté fauchée par le sida en 1991 à l'âge de 36 ans, Hervé Guibert a été journaliste et écrivain.
Profil de Rastignac à la François-Marie Banier, Hervé Guibert force avec succès les portes du journalisme, outil d'ascension sociale des années 70, pour devenir
critique photographique
au journal Le Monde alors qu'il ne connaît ni l'histoire ni la pratique de la photo.
Puis il devient un écrivain particulièrement productif dans les années 80 dans le registre de la littérature de l'aveu et de l'écriture de soi, qui jouit d'un succès d'estime et est glorifié en 1990 après son passage à l'émission télévisée "Apostrophes" pour la parution de "A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie", premier volet d'une trilogie mortifère et protagoniste du film macabre "La pudeur ou l'impudeur" chronique d'une mort attendue qui fera l'objet d'une diffusion posthume.
D'autre part, il ne se reconnaissait pas le statut de photographe bien qu'ayant constitué le thésaurus photographique qui fait l'objet de la présente exposition et dont sa veuve Christine Guibert à fait don à la MEP.
Enfin, au plan strictement photographique, ses clichés n'ont rien de spécifique ou d'artistique comme l'indique Hervé Le Goff, professeur et critique, "on chercherait en vain dans ces tirages une recherche formelle ou un effet photographique", qui puisse inscrire le nom de leur auteur dans l'Histoire de la Photographie.
Hervé Guibert : de l'écrivain photographe à la photolittérature
Alors, Hervé Guibert est un écrivain qui a pratiqué la photographie pour fixer notamment son univers, de sa machine à écrire à ses amants en passant par des autoportraits, le seul qui l'intéressait, dans une démarche
où le "moi" omniprésent est le véhicule d'une expérience existentialiste obsessionnelle pour un homme qui
a voulu faire de sa vie une œuvre littéraire.
Il n'a utilisé qu'une fois le matériau photographique dans le cadre de la photolittérature, variante littéraire du roman-photo,
dans son deuxième livre "Suzanne et Louise" mêlant textes et photos de ses grand-tantes.
Alors que voit-on ? Essentiellement des images de fantômes, d'ombres, de disparitions, comme son amant enveloppé d'un voile de mariée, de reflets, d'objets.
Les commissaires de l'exposition, Christine Guibert et la galeriste Agathe Gaillard, présentent ces photos comme indissociables de l'oeuvre de l'écrivain. Peut-être un journal intime en images pour une biographie encore à écrire. |