A écouter Hardcore will never die but you will j'arrive à me glisser, je crois, dans la peau de ceux qui n'aimaient pas suffisamment Mogwai lorsque j'essayais de leur faire admettre, en 2000 ou 2001 que ces mecs-là constituaient certainement l'un des meilleurs groupes du monde, qu'ils avaient une puissance renversante, qu'il y avait dans leur musique quelque chose que l'on ne trouvait pas ailleurs.
Mais que s'est-il passé en dix ans ? Pour leur septième album au plein sens du terme, rien n'a semble-t-il réellement changé pour les écossais. Ils délivrent toujours un post-rock à forte dominante instrumentale, hanté parfois d'un chant vocodé, écrasé souvent sous la saturation, la compression, la réverbération. On lit toujours dans certaines chroniques que leur nom vient du film Gremlins, alors qu'on est persuadé qu'ils songeaient certainement plus directement à la traduction chinoise du mot "fantôme".
Les titres de leurs albums sont toujours tarabiscotés et vaguement humoristiques. Les musiciens sont toujours fans de footballs et Stuart Braithwaite pourrait encore déclarer : "I love noise". Alors, que s'est-il passé ?
Rien n'est réellement mauvais dans cet album, évidemment – parler de mauvais album serait même indécent et interdirait à celui qui le ferait de seulement penser à prononcer un jour le nom de la plupart des artistes dont les noms remplissent les grilles de programmes des télévisions spécialisées, fournissent la chair à programmation des grands festivals commerciaux de l'été, nourrissent les bacs avides des supermarchés de la grande distribution culturelle indépendante. Mais la scottish guitar army nous avait un temps habitué à produire des chefs d’œuvres, de ces modèles de lourdeur qui suffisaient à jeter à bas l'équilibre de tout un univers musical (que l'on réécoute la trilogie : Young team, 1997 ; Come On Die Young, 1999 ; Rock Action, 2001).
Hardcore will never die but you will se révèle à la hauteur de ce que Mogwai fait depuis 2003. Un post-rock synthétique, propre sur lui, sans prétention ni révolution. Un post-rock efficace, concis, puissant, épique. Un post-rock de bonne facture. Du bon travail de bon ouvrier compétent. Sans fièvre ni trouble, sans peut-être non plus la passion des débuts. Sans débordements. Sans ces petites imperfections si charmantes. Un disque sans faute de goût, sans exagération, sans défaut. Un post-rock un peu lisse. Osé comme du God is an astronaut, malpoli comme les dernières productions du label Constellation, dérangeant comme le dernier Radiohead. Un disque sage, correct à tous les sens du terme.
Légèrement autistique, le Mogwai nouveau se tient dans une bienheureuse apesanteur, tourné vers le grand silence des espaces infinis. On est loin, c'est certain et c'est un louable morceau de bravoure, des clichés mélancolico-romanesques du post-rock. Il est simplement triste que l'on n'ait pas su mettre à la place quelque chose d'autre, un autre imaginaire, qui nourrisse son mélomane et donne à cette musique une dimensions évocatrice.
En résumé : il manque un peu de vie, à tout cela, un peu d'éclat – comprendre : de coups d'éclats. Pour autant, on ne jettera pas tout – en fait : on ne jettera presque rien de cet album. On s'étonnera peut-être, à la rigueur, hésitant entre jubilation et une pointe d'indignation, que "Letters to the metro" évoque si clairement le morceau "Cody" et "George Squarte Thatcher Death Party" le mythique "Mogwai Fear Satan". Dans tous les cas, Hardcore will never die but you will ne sera pas l'album que l'on conseillera à qui ne connaîtrait pas encore Mogwai.
Certainement ne s'est-il rien passé. Mogwai n'a pas changé. Simplement mes oreilles ouvrent-elles les yeux, lassées, au fil du temps, de s'accrocher en vain, espérant le retour du plus grand Mogwai, disparu il y a près d'une décennie. Je ne sais même plus depuis combien d'albums Mogwai déçoit mes espoirs. Mais certainement mes espoirs sont-ils simplement déplacés. La faute à moi, tant pis pour moi.
Que l'on laisse ces écossais produire une bonne musique, cela devrait déjà sembler bien assez. |