Epopée musicale écrite par Jonathan Kerr, mise en scène de Erwan Daouphars, avec Amala Landré, Laurent Malot, Jonathan Kerr et les musiciens Marianne Le Mentec (ou Laurence Bancaud), Johanne Mathaly et Crystel Gally.
Jonathan Kerr s'est attelé à une tâche aussi démesurée qu'exaltante pour transposer sur la scène, et en musique, la thématique métaphysique du célèbre roman d'Herman Melville, roman d'aventures maritimes doublé d'un roman de la quête symbolique, comme le chantait Jacques Brel, celle de l'inaccessible étoile.
Le capitaine Achab s'embarque pour son ultime pêche aux baleines qui se révèle une traque de la baleine blanche démoniaque qui lui a arraché la jambe dans le passé, qui s'avère n'être pas qu'une simple histoire de revanche et de vengeance. Car ce Léviathan n'est pas que le symbole du mal.
Auteur, compositeur, comédien et chanteur, Jonathan Kerr, qui a circonscrit l'histoire aux tourments du capitaine face aux éléments déchaînés de son esprit, signe avec "Moby Dick ou le chant du monstre" un spectacle musical ambitieux, original et réussi qui, par le soin apporté aux compositions et la qualité textuelle des parties chantées qu'elles soient narratives, illustratives ou introspectifs, ressortit davantage au registre opératique qu'à la comédie musicale de divertissement.
Au décor pseudo-réaliste à grand spectacle en carton-pâte, Jean-Jacques Gernolle a préféré une plate forme métallique à plusieurs niveaux permettant de délimiter des espaces scéniques différents et d'accueillir les musiciens. En l'occurrence des musiciennes au sein d'un trio instrumental totalement atypique et inusuel (Marianne Le Mentec à la harpe, Crystel Gally à l'accordéon et Johanne Mathaly au violoncelle) qui assure la partition musicale ainsi que, de manière très fine et judicieuse, l'habillage sonore.
Erwan Daouphars met sobrement en scène ce spectacle qui ne requiert pas la frénésie chorégraphique mais davantage la création des atmosphères, en l'espèce soutenue par le beau travail des lumières réalisé par Antonio de Carvalho, dans lesquelles se débattent les protagonistes.
Face au héros tragique, qui est déjà passé derrière le miroir, défiant les forces de la nature comme il défie Dieu dont Jonathan Kerr restitue toutes les failles et qu'il interprète avec un remarquable souffle shakespearien épique et tragique, Laurent Malot incarne avec beaucoup d'humanité et de justesse Ismael, le marin confident qui représente tant l'immanence que la compassion.
Amala Landré, superbe comédienne-chanteuse au port gracieux, interprète une très ambiguë et janusienne figure féminine, personnage surnuméraire au roman, qui évoque tant le destin, l'amour perdu que la mort.
Ce trio talentueux aux tessitures complémentaires de ce trio talentueux qui leur permettent de soutenir l'intensité dramatique de la partition ainsi que de dispenser des polyphonies émérites |