Désireux de fonder
un groupe mais échaudé par de piteuses tentatives
antérieures, James Osterberg aka
Iggy Stooge aka Iggy
Pop, réussit finalement à rallier à
lui, en 1967, trois jeunes désoeuvrés de Detroit complètement
rétamés à l'herbe : Dave
Alexander et les frères Asheton
(Ron et Scott).
Punks avant l'heure, les Psychedelic Stooges
ne jouent d'aucun instrument, expérimentent continuellement,
souvent sans chanteur, avant de trouver la formule gagnante, publiant
en 1969 sur Elektra un premier album éponyme, produit par
l'ex-violoniste du Velvet Underground
John Cale.
Sept ans avant l'heure, le punk venait de naître : son dégueulasse,
discours nihiliste, attitude autodestructrice, absence totale d'humour,
paroles des chansons bâties avec trente mots ... L'année
suivante, c'est à Los Angeles que sera mis en boîte
leur second méfait, Fun House,
disque de rock incandescent lorgnant vers le free jazz, parfaite
synthèse entre la sauvagerie d'Iggy et la brutalité
des riffs de Ron Asheton. Sur scène, Iggy, sorte d'alter
ego infernal de Jim Morrison, repousse
les limites, se roulant sur des taissons de bouteilles ou balançant
du beurre de cacahuète dans le public après se l'être
tartiné sur le torse (cf. les célèbres images
du festival de Cincinnati de 1971).
Suite à la parution de ce chef d'oeuvre, le groupe explose,
Dave Alexander se fait virer (pour faire une overdose peu après),
Iggy partant se faire désintoxiquer pour cause de forte addiction
à des substances diverses. Deux ans plus tard, ce dernier
embauche un certain James Williamson à
la guitare (devenu depuis un ponte de la Silicon Valley) et refait
appel, au titre d'employés seulement, aux frères Asheton
pour Raw Power, avant de tirer définitivement
un trait sur les Stooges en 1974.
Vingt-neuf ans plus tard et contre toute attente, Iggy ranime le
groupe de ses débuts, avec Scott (batterie) et Ron (guitare)
Asheton auxquels est venu se greffer Mike Watt
(ex-leader de Minutemen, le must des
combos hardcore eighties). Le concept est clair dès le départ,
pas question de jouer le troisième album, le répertoire
sera uniquement celui des Stooges d'origine plus quelques titres
écrits ensemble pour le dernier opus d'Iggy, Skull
Ring.
Suite à un triomphe en septembre dernier au Bol d'Or, Iggy
et ses Stooges remettaient le couvert ce début juillet à
Paris, le chaos métallique était à nouveau
imminent. Peu après un set toujours aussi insignifiant de
l'infâme Peaches, les 'fucking'
Stooges prennent le Zenith d'assaut attaquant d'emblée sur
"Loose" et "Down
In The Street".
Simplement vêtu d'un jean, c'est un Iggy un peu hors sujet
qui arpente la scène de long en large comme pour refouler
son trop plein d'énergie ; le reste du groupe assurant quant
à lui méchamment. Fort heureusement, tout rentre dans
l'ordre avec "1969" , pour
une quarantaine de minutes à tomber. A peine remis, on succombe
aux assauts successifs de "I Wanna Be
Your Dog" et "TV Eyes"
portés par les riffs tronçonneuses de Ron Asheton,
caché derrière ses lunettes noires, ainsi que par
un iguane survolté, dont le jean est désormais descendu
à mi-fesses, cassant micro sur micro et plongeant dès
que possible dans les premiers rangs.
Tristement, le son du Zenith, d'habitude des plus mauvais est ce
soir-là exécrable, sorte d'atroce bouillie sonore
rendant les paroles complètement inaudibles et les instruments
quasi indiscernables. Comme l'intégralité du répertoire
des Doors, les Stooges
possèdent un titre dont personne n'a jamais fait une reprise
potable, le fameux "Dirt"
, pour laquelle Iggy gratifie même de quelques explications.
Retour ensuite sur le premier album avec "Real
Cool Time" et surtout "No
Fun" où Iggy fera grimper une meute de jeunes
gens sur scène. Le titre s'achève, chacun restant
à sa place. Et Ron Asheton d'enchaîner avec "1970"
(leur titre ultime) et son final ravagé : l'iguane va et
vient sur la scène, se frayant un passage entre ses fans,
scène rocambolesque fonctionnant à merveille, à
l'exception de la redescente forcée un peu musclée
de certains spectateurs.
A ce stade, le quatuor a déjà été rejoint
par Steven MacKay, le saxophoniste d'origine,
faisant encore des éclats sur "Fun
House", le titre suivant. Malgré ses 57 ans,
Iggy Pop reste en parfait état de conservation, doté
d'une vitalité et d'une énergie tout bonnement irréelles
compte tenu des abus ayant jalonnés sa carrière.
Ayant épuisé les classiques d'origine, le groupe
s'attaque au répertoire récent pour un piètre
résultat au regard des morceaux précédemment
exécutés. "I Wanna Be Your
Dog" aura beau être rejoué en clôture
du concert, le coeur n'y est plus, le vrai set s'est achevé
avec "Fun House" vingt minutes
auparavant. Un concert de soixante-dix minutes demeure forcément
trop court mais celui-ci aurait gagné à s'arrêter
plus tôt ou surtout à voir certains titres s'étirer
("Dirt", "1970"
, "Fun House" ou même
"I Wanna Be Your Dog").
Ne crachons pourtant pas dans la soupe : il serait ridicule et
totalement faux de prétendre que rien n'a changé,
qu'Iggy et ses Stooges restent toujours aussi dangereux, mais force
est de reconnaître qu'aucune autre formation n'aurait été
capable, plus de trente ans après ses débuts, d'une
prestation d'une telle efficacité ...
|