Je déteste la country. Je déteste la country parce que la forme m'emmerde. Je déteste la country parce que son public est constitué de gros fermiers armés détestant tout ce qui n'est pas blanc, masculin et hétérosexuel. Je déteste la country parce que je déteste la campagne. Je déteste l'idée même de la country. Mais j'aime O'Death qui, jusqu'à récemment, faisait ce que l'on pourrait désigner sous le terme de "country punk" (terme qui a autant de sens pour moi que peut l'avoir "ufzhewxaoruh" pour n'importe qui).
Il y a deux ans, j'ai assisté à un de leurs concerts et je me souviens que tous les membres du groupe criaient très fort (même parfois en dehors des micros), jouaient très vite et que le batteur maltraitait ses toms avec des chaines. Ce fut, somme toute, un très bon concert (j'ai même acheté un t-shirt, c'est dire). Malgré tout peu diversifié, se concentrant uniquement sur les titres les plus rapides et sauvages des deux albums. Bien qu'O'Death fasse de manière générale penser à une bande de tarés de péquenauds venant de faire un raid sur une armoire à pharmacie de la Wehrmacht, certains titres laissaient entrevoir un aspect plus calme et en même temps plus troublé, comme si des formes mi-humaines mi-animales hurlaient à la mort en silence du fond des bois. Comme si les arbres les plus tordus s'arrachaient à la terre et se mettaient lentement en marche pour partir à la recherche du sens de leur existence. Cette alternance entre violence et introspection était ce qui faisait la force des deux premiers albums du groupe.
Là où l'on pouvait logiquement se demander si, à force de la répéter, la formule ne finirait pas par lasser, le groupe propose une alternative radicalement différente. Et abandonne complètement les chansons où chacun hurle à s'en péter les côtes pour se concentrer sur l'écriture. Sans aller jusqu'à dire que les précédentes réalisations étaient de mauvaise qualité, O'Death avait tendance à privilégier l'attaque frontale sans concession et un aspect légèrement systématique semblait pointer.
De ce fait, Outside prend le parti de recentrer le propos sur les compositions, de développer les idées mélodiques plutôt que de les noyer dans le bruit et la fureur. Les tempos sont donc plus lents, invitent presque à l'introspection (ou à une certaine idée de ce que peut être l'introspection). O'Death sonne ici comme une bande de marins sans bateau, se trainant dans la poussière brulante, hallucinant sous le soleil. On pourra m'objecter que la comparaison avec une bande de bagnards évadés est plus parlante mais je laisse ce genre de trucs à Moby (les mecs d'O'death ayant tous de bonne tête de carnivores ne semblant pas croire à la méditation transcendantale comme moyen de résoudre le problème de la violence scolaire). L'album permet en fait des tonnes de projections diverses.
Comme Raymond Roussel avait écrit Impressions d'Afrique sans jamais avoir foutu les pieds en dehors de Paris, O'Death est un groupe de New-York et ne sait, par conséquent, pas grand chose de la vie dans les champs ou à proximité du désert (ou du moins, n'en a pas l'expérience). Ce qui compte, c'est l'idée de ce mode de vie et les images qui en naissent.
Ainsi, comme un long sillon dans la poussière, les chansons se succèdent presque par accident entre instants tourmentés presque lyriques ("Alamar", "Black Dress") et accalmies ("Ourselves", "Look At The Sun"). Comme si des vautours luttaient à distance avec de grands aigles majestueux (ayant peur des oiseaux, je déteste écrire des choses pareilles mais c'est vraiment ce qui me vient à l'esprit). Et tout cela est très cohérent. Au moins autant que les pizzas que composait Michaelangelo dans les Tortues Ninjas (dont le créateur devait être un sociopathe notoire) : en partant du principe que la pizza est une base solide, que le poivron est un aliment de qualité et qu'il en va de même pour le beurre de cacahuète, mélanger les trois afin d'obtenir l'aliment parfait devient la chose la plus logique du monde. |