Quand elle est née, une fée s’est penchée sur son berceau pour lui refiler ses qualités (sans les citer, bien évidemment). Puis, au moment de faire ses vœux d’orientation (les dossiers, les choix d’école, les options, les modules…), la multitude de choix l’a orientée vers les célèbres QCM révélateurs de personnalité, d’ascendant, d’affinité, de talent caché et là, Lise a réalisé que sa fée lui avait filé des doigts de pickpockets, supers pratiques pour être dactylo, mais aussi pour jouer au piano, en plus d’une voix cristalline qui allait bien avec les touches noires et blanches.
Ça ne s’est pas du tout passé comme ça, mais ça aurait pu. Pour cet album, elle séduit sans en mettre plein la vue, avec ses deux mains et sa voix très haut perchée. Je ne sais pas comment elle fait, quand j’essaie, mes narines prennent une forme toute bizarre, comme si elles s’asphyxiaient, et j’ai la tremblote des cordes vocales, puis je tousse de manière fort peu élégante.
Dans son album, il y a "Thinking of thinking", un rythme entêtant, accroché à une mélodie qui vous poursuivra jusque sous la douche, qui transformera les vrombissements de bulldozer en sifflotement léger. Lise rend amoureux de tout ce qui passe, sans amertume ni arrière-pensée, elle fait aimer les routes dans la nuit, elle tend vers la musique classique avec une touche en plus, sa petite patte perso, tout dans la douceur et dans le charme.
Sa plus grande qualité est de savoir écrire de la musique, en y mettant autant de variations que des éclats de voix, du vocabulaire précis, des termes choisis, des respirations… C’est un peu comme si son piano était un prolongement de son corps, elle le possède et le maîtrise à merveille, sans en faire des tonnes.
Dominique A la trouve d’une évidence à couper le souffle. Quant à Mathias Malzieu (plus musicos que moi), il lui attribue le doux nom de "piano vivant" et a repéré les expérimentations sonores de l’album, à base de crin de cheval et d’ustensiles en tous genres.
Lise chante en anglais, Lise chante en français, Lise berce sans endormir, Lise calme sans anesthésier, Lise chante un poème de Guillaume Apollinaire "L’émigrant de Landor Road", Lise revisite "Where is my mind" sans électricité, Lise a le trac, des nœuds au ventre… Elle est normale ? Aucune idée, mais elle a un talent hors du commun, un petit truc qui bouleverse, tout en douceur et en sensibilité, à la fois simple et efficace. Magique. |