Aussi loin que je puisse me souvenir, à l'époque où j'étais barman, c'est-à-dire il y a bien vingt ans, nous servions un cocktail qui s'appelait le Rita Mitsouko. Il était composé de jus d'abricot, de liqueur de mangue et de noix de coco. Malheureusement depuis la mort de Fred Chichin, soit déjà quelques années, l'entreprise qui m'avait embauché en son sein ne propose plus cette boisson. Et effectivement cela va de soi car les Rita Mitsouko sans son compositeur attitré (puisque Chichin s'occupait des parties de guitare, de basse, de clavier et de batterie), c'est un peu comme la bière sans alcool, à chier dans la colle.
Alors pour un cocktail alcoolisé, n'en parlons pas. Néanmoins, il y avait du chichi derrière tout ça, puisque finalement il était difficile à ceux qui avait concocté la recette du produit de savoir quelle partie enlever. Etait-ce la douceur et le goût savoureux du fruit ou la particularité enivrante de l'alcool qui rendait la chose cool.
Le débat était lancé. C'est donc avec impatience que tout le monde attendait le premier réel effort solo de Catherine Ringer (après une tournée où cette dernière reprenait les classiques des Rita Mitsouko, en guise d'ultime hommage à son compagnon) afin d'en savoir un peu plus.
De part certaines caractéristiques fruitées, cet album fut enregistré à Los Angeles (d'ailleurs l'on prononce dorénavant "Katwine Ringeure"), ce qui donne lieu à de nouveaux ingrédients pour le moins suspects et improbables. L'on retrouve, par exemple, du piment chaud et rouge sur le morceau "Prends-Moi", avec la participation de John Frusciante.
N'ayant jamais été très fan du Bloody Mary, cela ne m'a pas laissé un bon souvenir, la guitare de notre ami se noyant un peu dans le mixeur, et étant moins savoureuse que d'habitude, Frusciante ayant un son bien singulier qui, ici, n'arrive pas à trouver sa place.
Autre point inattendu, plusieurs morceaux sont arrangés par RZA du Wu Tang Clan. Pourtant, si l'on regarde de plus près, Catherine Ringer et RZA ont plus de points communs qu'il n'y paraît, les deux ayant collaboré avec Bruno Beausir (plus connu, paraît-il, sous le nom de Doc Gynéco). Mais encore une fois l'envie de fraicheur tombe à l'eau, et le résultat est un peu trop glacial, manquant de goût malgré un aspect aventurier non négligeable.
L'on surprend alors l'artiste à faire un tour du côté de la Fontaine (Brigitte de son prénom), sur un morceau comme "Punk 103" qui, malgré son aspect expérimental dérangeant, n'atteint pas ses promesses.
Soyons franc, je n'ai pas aimé ce disque, pourtant soyons-le un peu plus, il m'a quand même foutrement donné envie de boire et finalement, si ce disque était une boisson, il tiendrait la route puisque je l'aurais bu, et c'est le cas ici puisque je l'ai quand même écouté. Et même s'il ne m'a pas touché, il faut reconnaître l'engouement, le coeur et l'energie que Catherine Ringer a mis dedans ; et finalement l'hommage ultime à son homme réside sûrement ici, ce disque est un deuil et de par son parti-pris froid, résonne comme un orgue à l'église, comme un scalpel à la morgue.
Ce disque est sincère et touchant, que cela soit en français ou en anglais, qu'il soit rock ou classique (l'on pense forcément à la reprise de la symphonie n°5 de Malher sur "Vive l'amour", qui ouvre le disque), et parfaitement ambitieux.
Alors ne nous posons plus de questions, buvez, il y a de quoi faire mais personnellement je rentre à la maison, je n'ai plus soif. |