Lecture par Dominique Fougeraie entourée des oeuvres de François Cabanat.
Hors ses murs, le Théâtre Artistic Athévains investit pour la 4ème année, des lieux microscopiques - telle la petite Galerie 78 sise rue François Miron dans le 4ème arrondissement parisien - à l'occasion de son Festival Minuscule du Chat Roux.
Durant tout l'été et l'automne 2011, il propose, sur réservation, à l'heure du thé, un goûter culturel assorti de thé et petits gâteaux avec un concert ou une lecture pour un nombre restreint de personnes animées de l'envie de partager, en petit comité, un moment privilégié en compagnie d'un artiste.
La Galerie 78, dont la vocation première consiste à être un lieu d'exposition, présente avec "Chevaux", les oeuvres de François Cabanat, peintre et scénographe de théâtre plus particulièrement attaché au Théâtre Artistic Athévains dont il est un des co-fondateurs.
Passionné d'équitation, il y y a réuni un florilège d'encres, pastels et desseins en exemplaire unique autour d'un thème unique, celui du cheval.
Dans le registre réaliste du dessin animalier, son trait précis capture avec sensibilité les attitudes naturelles de la plus belle conquête de l'homme saisie en pleine liberté, sans attaches, solitaire ou en horde, dans des paysages à peine esquissés qui laissent libre cours à l'imaginaire.
Réalisés à l'encre de chine, à la gouache ou à la mine de plomb à main levée, trio de puissants chevaux blancs qui pourfendent l'écume comme l'attelage au galop de Phaéton, cheval paissant solitaire dont la crinière semble traversée d'un vent presque perceptible, troupeau paisible en contre jour à l'orée d'une forêt enneigée ou ombres fantomatiques des montures des chevaliers de l'apocalypse rendues à leur état sauvage témoignent d'un geste aussi sûr que d'une observation passionnée.
A signaler qu'ils sont accessibles à la vente de manière atypique pour une oeuvre d'art puisqu'elle inclut le droit à l'erreur en comportant une clause d'échange.
Et puis, la Galerie 78 se transforme donc en galerie-concert avec le beatboxer Hervé Fontaine ou en galerie littéraire avec Dominique Fougeraie, lectrice passionnée, co-fondatrice et directrice du Théâtre Artistic Athévains, qui y recrée, dans une atmosphère chaleureuse qui évoque tant les veillées rurales que les salons parisiens du début du siècle passé, la lecture partagée.
Lectrice à voix haute, et non conteuse, elle dispense son goût pour les beaux textes en proposant deux lectures au choix - "Les histoires de Rosalie" de Michel Vinaver et un chapitre de "L'Univers, les Dieux, les Hommes - Récits grecs des origines" de Jean-Pierre Vernant - qui tous deux opèrent une évasion spatio-temporelle radicale en entraînant le lecteur, et en l'occurrence les auditeurs, le premier vers la Russie du début du 20ème siècle, et le second, plus loin encore, vers la Grèce antique.
Jean-Pierre Vernant, éminent historien et anthropologue spécialiste de la mythologie grecque récemment disparu qui fut professeur au Collège de France, a publié en 1999 un recueil de récits qui s'inscrit dans le prolongement de son expérience de grand-père qui racontait à son petit-fils la fameuse "l'histoire du soir" dont il puisait l'intrigue, et l'enseignement, dans le substrat même de sa discipline.
Dominique Fougeraie a choisi le chapitre consacré à "Ulysse, ou l'aventure humaine" qui opère une version synthétique de l'"Odyssée" de Homère en allant à l'essence même du propos savamment celé dans l'abondance de l'épopée.
Cette lecture, qui se déroule dans un environnement adéquat avec l'exposition "Chevaux", puisque Ulysse fut, grâce à son stratagème équidé, le héros de la Guerre de Troie dont le terme marque le début de son errance métaphysique, est particulièrement prenante car la lectrice ne procède à aucune théâtralisation et le style de l'auteur, simple et ample, porte les errements du héros dans une narration aussi érudite qu'accessible en allant à l'essentiel.
Instructive, bien sûr, voire réflexive a posteriori, puisque le périple d'Ulysse ne se présente pas tant comme une quête qu'une affirmation et une acceptation consciente de sa condition humaine par son attachement à sa terre, sa patrie, sa famille, son identité, sa finitude également comme maillon indispensable dans la chaîne de la mémoire.
Le choix de Dominique Fougeraie s'avère donc particulièrement judicieux en ce qu'il abonde dans le sens de l'indispensable éclairage du présent à l'aune du passé et constitue une belle incitation à découvrir les autres récits de Jean-Pierre Vernant sur les mythes fondateurs de l'Humanité. |