Comédie dramatique de Ronald Harwood, mise en scène de Georges Werler, avec Michel Aumont et Didier Sandre.
Avec deux grands comédien, Michel Aumont et Didier Sandre, qui se partagent le haut de l'affiche, "Collaboration" constitue un des événements de la rentrée théâtrale 2011-2012.
Ronald Harwood, scénariste et auteur dramatique britannique d'origine sud-africaine, y met en scène deux artistes éminemment connus sur toile de fond d'avènement du nazisme.
En 1931, Richard Strauss, le compositeur du fameux "Chevalier à la rose", sacré et consacré le plus grand compositeur allemand vivant, qui cherche un remplaçant à son librettiste attitré, l'écrivain, poète et dramaturge autrichien Hugo von Hofmannsthal décédé en 1929, rencontre un compatriote et homologue de ce dernier qui connaît déjà la notoriété, Stefan Zweig.
De leur rencontre et de leur collaboration fructueuse naîtront une belle et inattendue amitié entre deux personnages très différents et un opéra-bouffe, "La femme silencieuse", qui sera créé en juin 1935 pour trois représentations avant de tomber sous le couperet de l'interdiction du fait de l'origine juive de Zweig.
Entre temps, avec Hitler au pouvoir, le national-socialisme devient le chantre de l'antisémitisme et de l'instauration d'un art officiel nazi, Richard Strauss a accepté la fonction de Président de la Chambre de Musique du Reich et Stefan Zweig s'est expatrié commençant une longue errance qui s'achèvera par son suicide au Brésil en 1942.
L'engagement de l'artiste dans la vie de la cité et sa neutralité politique au nom de l'art sont des sujets passionnants qui suscitent larges débats et confrontations. Mais, et ce malgré le titre à double sens, la pièce de Ronald Harwood, à l'écriture très anglo-saxonne et scénaristique, une structure narrative composée de scène courtes, ne verse pas dans le débat d'idées, ce qui peut susciter quelques déceptions.
En effet, il privilégie la peinture moraliste de l'homme pris dans la tourmente de l'Histoire en se concentrant sur leur relation amicale, et encore n'aborde-t-il pas vraiment cette alchimie qui naît, en dehors et en sus de l'admiration réciproque, entre deux hommes de tempérament plutôt solitaire.
Richard Strauss est présenté comme un bon pater familias et le prototype de l'allemand humaniste doublé d'un naïf qui croit que sa gloire le place au-dessus du lot commun. Quant à Stefan Zweig, humaniste, pacifiste et européen avant l'heure, hypersensible, il est torturé et épouvanté par les événements qui interviennent et dont il pressent l'issue fatale et tente vainement d'ouvrir les yeux de Strauss.
Dans un somptueux décor à l'aune de l'esthétisme froid et épuré des années 30 de Agostino Pace et des élégants costumes de Pascale Bordet, la mise en scène de facture classique du vénérable Georges Werler, respectueuse de la partition originale telle qu'elle résulte de la traduction de span class=GRAS">Dominique Hollier
Didier Sandre apporte beaucoup de sensibilité et de tension au personnage pudique et anxieux de Zweig en exploitant au mieux le sous-texte possible d'une partition qui évoque plus qu'elle ne révèle.
Christiane Cohendy prête une belle faconde et une étrange voix chevrotante à Madame Strauss, la soprano devenue épouse tyran domestique au verbe haut et au franc parler.
Et Michel Aumont campe avec sobriété un maestro prolifique et frénétique, compositeur au bord de l'implosion musicale tant il ne peut vivre sans écrire ce qui, en sus de la peur des représailles due à l'origine juive de sa belle-fille - délicat exercice pratique de philosophie morale - l'amène à céder à la pression du pouvoir pour continuer à participer à la vie culturelle allemande ce qui lui vaudra d'être jugé dans le cadre des procès de Nuremberg. |