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Aktéon Théâtre  (Paris)  septembre 2011

Tragédie de Howard Barker,mise en scène de Marine Torre, avec Barbara Franch, Thibaut Thezan et Camille Parissier.

L'histoire de Judith, un de ces mythes sanglants comme l'Ancien Testament sait en offrir, est connue surtout pour son abondante postérité picturale.

Jeune veuve de Béthulie, la belle Judith prend la décision de sauver sa ville assiégée par l'armée assyrienne, se rend dans le camp ennemi, séduit le général Holopherne et lui tranche la tête pendant son sommeil avant de l'empaler sur les remparts, provoquant au matin la déroute de l'armée.

Il y a là de quoi faire figurer Judith aux côtés de Salomé au Panthéon des femmes fatales, au vertigineux, délicieux point de rencontre d'Eros et de Thanatos.

Dans "Judith ou le corps séparé", le dramaturge britannique Howard Barker conserve la brutalité du mythe mais ne s'arrête pas aux stéréotypes, et si le désir n'y est pas dépouillé de sa dangerosité, il n'apparaît pas forcément là où on l'attend. C'est un corps séparé déjà qui se donne à voir au démarrage du spectacle, un Holopherne disloqué, de dos, le bras replié en arrière, la main en berne, plaqué sur une carte ensanglantée où apparâit en lettres rouges la place de la ville de Béthulie. Il reçoit Judith sans vrai intérêt, en dépit de sa féminité triomphale, absorbé qu'il est par tout autre chose que la gaudriole, "Ce soir il faut que je parle de la mort", répète le maître de guerre.

Pas de femme fatale ni de dupe, le jeu est plus complexe qu'une évidente attraction des corps ; Holopherne-Shéhérazade (joué par Thibaut Thezan proche de la folie) perd Judith dans les méandres de sa pensée labyrinthique, suspendant son geste meurtrier. Là où les représentations picturales montrent presque toutes (sauf peut-être le tableau du Caravage, et celui d'A.Gentilechi qui a inspiré Barker) l'acte fou une fois celui-ci devenu héroïque, on découvre ici l'avant et l'après de la décollation.

Quelque part entre le théâtre de la mort de Kantor et le théâtre de la cruauté, le "théâtre de la catastrophe" de Barker ne laisse pas le spectateur se reposer ni sur le confort d'une construction psychologisante, ni sur une morale, ni sur le ronron d'une langue naturaliste. Par delà le bien et le mal, il y a des massacreurs, des sacrifiées et de l'amour, qui échangent leurs rôles au jeu de passe-passe du désir.

Le mythe, intemporel car toujours réincarné, autorise à la fois la densité poétique, le lyrisme, et les ruptures, les phrases interrompues, la trivialité. Les épanchements philosophiques d'Holopherne et Judith discourant sur la condition humaine trouvent leur contrepoint dans la gouaille populaire de la vieille servante, incarnée ici par un jeune ludion androgyne. Pétulante comme un Puck, irrévérencieuse et sage comme un Sganarelle ou Sancho Pança, c'est elle qui ramène Judith à la raison d'Etat et à la nécessité du meurtre.

Les acteurs de la Compagnie L'Etincelante, Barbara Franch, Thibaut Thezan et Camille Parissier, servent très bien ce texte exigeant, à la musicalité préservée par la très belle traduction de Jean-Michel Déprats. La mise en scène, réminiscente de Deborah Warner dans son utilisation du son et le travail de séquencement, hésite entre la pudeur (faisant le choix de l'ellipse pour donner à voir l'instant du meurtre) et la monstration.

Après le sursaut d'intérêt pour Edward Bond que l'on a connu ces dernières années, ce spectacle donne l'envie de se pencher plus avant sur l'œuvre de cet autre grand anglais contemporain. On pense à "L'Empire des sens" et à "Madame de Sade" de Mishima, tout en étant face à un objet neuf, une écriture dramaturgique d'une très grande efficacité. Et l'on se prend à rêver à ce que peut être ce corps séparé - le cadavre sans tête d'Holopherne, le corps du Judith, "détaché" par Israël pour prévenir le massacre, décorrélé de son propre désir aussi, comme du discours sur lui tenu (n'est pas putain qui veut)...

 

Anaïs Bon         
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