Monologues d’après le roman de Virginia Woolf, adaptation et mise en scène de Marie-Christine Soma, avec Anne Baudoux, Valentine Carette, Frédérique Duchêne, Marion Barché, Jany Gastaldi, Laure Gunther, Jean-Damien Barbin, François Clavier, Jean-Charles Clichet, Jean-Paul Delore, Antoine Kahan et Alexandre Pallu.

L'écriture de "Les vagues", considérée comme une des œuvres majeures de Virginia Woolf, dont le tire premier était "Les éphémères", qui repose sur deux concepts, l'animisme et le gestaltisme, retrace sous la forme du soliloque intérieur, qui serait la voix de l'âme profane constitutive du principe de vie, la relation au monde et aux autres de six personnages qui se connaissent depuis l'enfance.

Après une enfance à la campagne et les années de pensionnat communes, trois garçons et trois filles archétypaux, dont la vie est cristallisée autour de la figure emblématique d'un septième nommé Perceval, vont s'envoler vers leur destin mais sans que jamais le fil de leurs consciences ne soient rompus. Et le fil passe par leur âme, la fameuse “chambre à soi” de Virginia Woolf.

Ce choeur de consciences, qui cependant ne résonne jamais en dialogue mais toujours en une succession de monologues, illustre l'inter-relationnalité immanente qui présiderait à la vie psychique des êtres que l'auteur a voulu transcrire sur le rythme du flux et du reflux des vagues.

Pour la transposition au théâtre de cette partition délicate en raison de l’absence de tout psychologisme et de narration et de son écriture de la sensation sublimée, Marie-Christine Soma présente un travail époustouflant de finesse et d'intelligence qui, pendant une durée de trois heures sans entracte et sans aucune tentation d'ennui, subjugue le spectateur en l'entraînant dans un espace spatio-temporel singulier, simultanément champ de conscience exacerbé et dématérialisé et chant des consciences des protagonistes.

Dans un double espace circonscrit par des cimaises translucides réalisé par Mathieu Lorry-Dupuy et sous des lumières très travaillées de Anne Vaglio qui installent une atmosphère étrange, extra-lucide, les corps se déplacent comme des évocations désincarnées, des ombres fantomatiques même lorsqu'ils sont tangible, au premier plan, avec la corporéité du comédien.

Pour incarner ces voix, Marie-Christine Soma a doublé les comédiens, au sens ou deux comédiens de génération différente vont incarner le même personnage, l'un à sa jeunesse, l'autre à sa maturité. Pour cette dernière, la distribution de comédiens aguerris est éloquente : Anne Baudoux, Frédérique Duchêne, Jany Gastaldi, Jean-Damien Barbin, François Clavier, et Jean-Paul Delore.

Et c'est à leurs cadets, tout juste trentenaires pour la plupart, qu'incombent non seulement de porter la partition la plus longue mais la mission d'ouvrir le spectacle et d'en poser les fondations pour que la magie opère.

Sur ce point, le choix de Marie-Christine Soma a été judicieux et révèle les potentiels singuliers de Laure Gunther (Jinny la sensuelle qui vit dans le plaisir de l'instant), Marion Barché (Suzanne la terrienne maillon du cycle de la vie), Jean-Charles-Clichet (Neville le poète), Antoine Kahan (Bernard le phraseur) et Alexandre Pallu (Louis l'insatisfait), issus de l'Ecole du Théâtre National de Strasbourg, et Valentine Carette, ancienne élève de l'Ecole Supérieur d’Art Dramatique du Conservatoire National de Montpellier (Rhoda celle qui flotte au-dessus du monde).