Un concert de Brian Wilson ? A priori cela ne m'emballait pas plus que ça. Enfin, disons que dans les grands mythes de la pop rock, je me focalisais plus sur un autre Brian, Setzer, l'homme qui a relancé le rockabilly dans les années 80-90, d'abord au sein des Stray Cats puis avec le Brian Setzer Orchestra, véritable machine de guerre à foutre le feu sur scène. Certes, l'homme à la banane et à la gretsch, rare en france, s'est produit fin juin dans notre belle capitale, mais à un moment où une certaine louise M devait arriver.
Et puis et puis, grâce au phrasé d'un pote "expert" des vieux rockeurs qui nous a narré la venue du chanteur des Beach Boys à Dublin le mois dernier, je n'ai pu résister. Bon, il faut dire, ayant eu la bonne idée de me plonger dans le génie musical de Pet Sounds il y a 5 ans, l'excitation de voir une légende sur scène était forte.
Considérons aussi le caractère unique d'un concert de Brian Wilson, qui a sombré dans la folie et en est miraculeusement revenu, à l'inverse de Syd Barrett, par exemple. 4 jours avant la date - donc le 20 septembre - je dégotte donc deux précieux sésames, pour mézig et un autre pote, Fran.
Brian Wilson fait ici une tournée dont le but est de revisiter des compositions de George Gershwin.
Et il enchaînera ensuite avec des reprises des Beach Boys.
A peine arrivés dans la salle et installés dans les petits sièges cosy du Casino de Paris, au son de la cloche à 20h et des broutilles, que la formation débarque sur scène derrière Brian Wilson, ça ne rigole pas, il y a un timing attention.
Claviers en tout genre, violons, guitare, batterie, choeurs, plus d'une dizaine de ziquos sont présents sur scène, vraiment impressionnant. Les Rhapsody in Blue, Summertime, et autres nombreux standards dont je ne connaissais pas les noms (à l'inverse de Fran, calé en Gershwin) vont être réinterprétés brillamment par cette formation, d'une manière un peu moins jazz et classique et plus pop.
Mais de la pop délicate, fine, avec des passages de violons (qui concluent les morceaux de superbe façon), des arrangements de toute beauté. Ou alors en utilisant des styles musicaux divers, façon crooner à l'américaine années 50, gospel, mambo ou bossa nova. On assiste là un peu éberlué à une grande variété musicale, où tout y passe, de nombreux textures de claviers aux choeurs, des parties incroyables de xylophone en passant par la flûte traversière. Et tel un grand chef d'orchestre, très vite on voit bien que Brian se fait plaisir (plus que sur ces propres morceaux où on ne le sentira pas toujours à fond, si tant est qu'on puisse dire qu'il soit à fond, bon c'est à sa manière).
Fin de la première partie au bout de trois quarts d'heure et la façon dont les titres de Gershwin (à ce niveau là, on ne parle plus de reprise) ont été revisités confirme bien là tout le génie de Brian à maitriser l'art de la composition.
En 5 mots, ce fut la grande classe !
Lorsque vint minutes après cet hommage le groupe revient avec son armada de ziquos pour balancer les vieux standards de surf music du début des garçons de la plage, j'avoue être moins dedans pendant quelques morceaux car, même si bien entraînants, j'avoue n'avoir jamais eu de gros intérêt pour ces morceaux chantés en "choeurs" que j'ai toujours trouvés un peu naïfs, un peu datés.
Mais n'oublions pas qu'il s'agit là de morceaux du début des années 60, les premiers de ce qu'on a appelé la pop music. Il faut reconnaitre le talent des gars autour de lui, leur incroyable enthousiasme, leur rythme amenant ces reprises à un niveau technique souvent supérieur aux originaux. La force du concert, c'est l'enchainement des morceaux à une vitesse incroyable pour ne pas perdre l'intensité, l'intelligence et la discrétion de Brian Wilson à présenter rapidement chaque morceau. Une dizaine de morceaux de la période 63-65 va ainsi être executée devant le public debout, jusqu'au point d'orgue, le classique "I get around" excellemment claqué.
Et dans la foulée, le gros quart d'heure "Pet Sounds", juste magique ! Rien que le morceau éponyme, ce "Pet Sounds" instrumental et sa touche bossa, quel génie pour l'époque ! D'autant qu'ici, le final aux percus et au sax n'en est que plus savoureux. Juste après les vieux standards sympatoches évoquant les bagnoles, le soleil et les nanas californiennes, on se rend compte combien Pet Sounds avait pris un virage plus complexe, avec ses mélodies envoûtantes, et ses instruments "nouveaux" pour l'époque. Brian, tel un chef d'orchestre minutieux, restitue tout cela devant nos yeux, avec "Sloop John B", "Wouldn't it be nice" ou le fameux "God only knows" sur lequel, pourtant, Brian coince sur les aigus.
Dommage car les cuivres et les grelôts de ce morceau donnent encore plus les frissons en live. Mais pas grave, car autour du bonhomme, il y a suffisamment de voix pour prendre le relais quand il faut, sans que le patron des Beach Boys ne saborde le morceau par son timbre limité, le pauvre.
Juste après "God only knows" survient cet incroyable "Heroes and villains", tout droit sorti de Smile, la pépite de Brian Wilson, composé après le Sgt Pepper's des Beatles en 1967, stoppé net et seulement sorti en 2003. Dans ce titre, c'est lyrique, pop, des bruits de cirque et fanfare font intrusion, cette composition est énorme ! "Good vibrations" sur lequel tout le monde se fait plaisir ponctue le concert.
Mais le rappel ne sera que plus appréciable, débuté par un "Johnny B. Goode" qui ferait danser Chuck Berry dans sa tombe. Derrière, encore quelques standards des Beach Boys, "Surfin' USA" et "Fun fun fun" joués les doigts dans la prise. Brian revient une dernière fois pour "Love and Mercy", un titre rare.
Alors effectivement, Brian paraissait largué à bien des moments, la démarche saccadée, l'attitude d'un pantin montrait qu'il n'était pas encore au mieux physiquement et psychologiquement. Assez souvent il ne chantait pas ou pas en mesure de continuer le chant mais il dégage ce petit quelque chose de respectable quand il faut et il a réussi à monter une formation qui force le respect techniquement, pour exécuter les joyaux qu'il a composés il y a plus de 45 ans. Car ce type a inventé la pop et l'a élevé à un niveau incroyable - et indirectement celui des Beatles - il fallait être là ce soir. |