Se méfier des apparences. Toujours. Si ce disque semble, au premier abord, sorti de nul part, en y regardant de plus près, l'on s'aperçoit qu'il s'agit en fait du nouveau projet de John Frusciante.
Un peu d'histoire pour ceux qui auraient lâché l'affaire : John Frusciante est l'un des guitaristes les plus importants et intéressants du 20ème siècle, qui en plus d'avoir sorti une poignée de disques fondamentaux dans des registres à la fois cohérents et différents (si ce n'est en les mélangeant), fut le second guitariste des Red Hot Chili Peppers après le regretté Hillel Slovak.
Parlons-en d'ailleurs, puisque Frusciante est, au départ, un fan absolu des Red Hot. Il apprend d'ailleurs la guitare en assistant aux représentations live du groupe en étant particulièrement attentif au jeu de Slovak. Suite à la mort de ce dernier, la rumeur veut que Frusciante se soit désisté au beau milieu d'une audition pour Frank Zappa, préférant réaliser un rêve de gosse et intégrer son groupe favori.
Quelques années plus tard, après Blood Sugar Sex Magik, il quitte le groupe avec de sérieux problèmes de drogues, qui donneront lieu à deux albums solo Niandra Lades & Usually Just a T-Shirt et Smile From The Streets You Hold, deux chefs-d'oeuvre de musique brute, entre lo-fi et expérimentale, où il est possible d'entendre l'âme d'un homme se fendre littéralement dans la détresse.
Les deux disques furent retirés du commerce, Frusciante affirmant qu'ils étaient dans les bacs pour pouvoir se payer de la dope. Le premier est à ce jour réédité, le second devrait l'être à son tour puisqu'il semblerait que Frusciante l'ait réécouté et de nouveau apprécié.
A cette même période naquit son troisième effort solo, où apparaissent pour la première fois des beats éléctroniques qui feront plus tard partie intégrante de la carrière solo du bonhomme.
Frusciante revient alors au front et rejoint de nouveau les RHCP pour Californication et By The Way. Le succès est au rendez-vous, ce qui ne l'empêche pas de poursuivre ses projets solos plus intimistes et de les mener à bien. Il est d'ailleurs plus que prolifique puisqu'il sort six disques en six mois avec l'aide de Josh Klinghoffer (dont un sous le nom d'Ataxia, avec Joe Lally de Fugazi à la basse).
Il compose alors, intégralement, ce qui deviendra Stadium Arcadium le double album des Red Hot, avant de claquer une seconde fois la porte, laissant alors sa place à son compére Josh (ce qui donnera I'm with you, sorti ces jours-ci, qui est au RHCP ce que le Boeing 747 fut au World Trade Center).
Mais revenons-en à nos moutons puisque ce disque de Swahili Blonde est le premier de Frusciante en groupe depuis.
On pourrait presque parler de presse people, puisqu'il s'agit du groupe de sa petite amie Nicole Turley.
Frusciante aborde un style encore différent, même si l'on retrouve toute l'étoffe de son jeu si précis. En effet, on pourrait parler de No Wave, car cela rappelle les aventures de James White et Lydia Lunch, en plus disco. Ainsi le jeu de Frusciante prend tout son sens puisque l'on retrouve certains élans funky de la période Mother's Milk.
Néanmoins, cela reste bien plus aventureux. Dans une interview accordée à Rock & Folk pour la sortie de Californication, Frusciante étonnait le petit reporter en lui confiant qu'il jouait, et ce dans son intégralité, Trout Mask Replica de Captain Beefheart tout les jours au réveil.
Et, pour la première fois, l'influence du regretté Captain se fait réellement sentir dans son jeu et dans les compositions, de part leur côté free en général.
Le parti pris du groupe est mystique au coeur du disque sur le morceau "Tiny Shaman" qui donne une bonne idée de ce qu'aurait pu être le groupe Franky Goes To Bollywood.
Il en résulte un disque complexe, qui demande réellement à être apprivoisé, mais qui devient tellement jouissif une fois passé à l'abordage qu'il peut provoquer une sacrée gaule. De quoi sabrer le champagne finalement. |