Il était un petit bonhomme, pirouette, cacahouète… sa maison est en carton, les escaliers sont en papier… Vous connaissez la suite : il se casse le bout du nez dans les escaliers, un avion à réaction lui rattrape son bout de nez, recollé avec un fil doré.
C’est à peu de choses près l’histoire de Damien Jourdan. Un amoureux de musique, qui flotte de groupe en groupe, puis se lance tout seul pour un premier album dit "maladroit" Chambre à part. Puis, de travail en introspection plus tard, voila la suite : Orchidées, avec un fil doré.
Ce titre n’étant pas choisi au hasard, un petit passage du côté du langage des fleurs s’impose. L’orchidée est symbole de luxe, volupté et passion, elle incarne également le mythe de la femme idéale et de la beauté absolue. Rien que ça. Et c’est ce que chante Damien Jourdan. Avec sa voix d’Alexis HK grave, posée, mate et douce à la fois, plus une guitare, et une petite boîte à rythme ou un truc dans le genre. "Ce disque a été préparé comme un bon repas" dit-il, avec amour donc.
Damien Jourdan est un poète du XIXème siècle, de ces jeunes âmes bercées par un mal-être permanent, de la veine d’un Verlaine tourmenté par la chute des feuilles ou d’un Baudelaire hanté par ses vies antérieures. Damien Jourdan vante l’amour, non pas la femme aimée, mais ce sentiment que moult chercheurs tentent en vain de décrypter à travers des courbes sinusoïdales et des électrodes.
L’amour n’est rien qu’une peur de la mort, un sanglot qui nous rattache à un fantôme ("Au bal des pendus"), "ça rend compte des couleurs du temps fixé aux mœurs qu’on libère, et des heures aux fonctions premières au besoin du cœur, aux folies du corps et des morts en lumière".
L’amour est "Comme l’automne", il file doucement, tout en douceur et en volupté, il "égrène ses perles et épelle ses voyelles", comme les feuilles mourantes qui se parent de chatoyantes couleurs, avant de virevolter doucement pour tapisser le sol de craquements délicieux. Un sublime supplice.
L’amour est un vertige, une débâcle, un naufrage, une noyade, une tempête ("La mer"), l’amour est un espoir, une route dans les flaques, une ornière, un départ, un regard ("Je pars"), l’amour est une page qui tourne, du vent muet, une aurore, des poussières, un carnage ("Cette page"). Douze titres en tout. Tout en douceur et en romantisme. Tout en mélancolie et en contemplatif.
Calme, dénué de superflu, chantant l’amour comme seuls les romantiques le conçoivent, Damien Jourdan met un orteil dans nos âmes, pour nous faire écouter le chant de la pluie et apprécier les derniers rayons de soleil. Orchidées est un grand moment de déprime pour les célibataires et un gros câlin pour les amoureux. |