Depuis plus de vingt ans qu'il sort des albums, Arthur H l'imprévisible a fini par habituer les amateurs à ne s'attendre à rien, si ce n'est à tout. Après l'album-témoignage d'une tournée délicate (Mystic Rumba, 2010), après un album quasi-katerinien tant il était faussement dance (L'homme du monde, 2008), l'ex jazz-singer fantaisiste propose un album de chanson française lorgnant vers la soul et même le r'n'b, avec sa touche d'électronique bancroche et minimaliste à l'arrière-goût finalement pas si loin d'être 80s. On y retrouve son goût prononcé pour les images d'un ailleurs aussi grotesque que notre ici ("Jésus il est chinois, chinois comme moi"), pour les histoires individuelles, les compositions alambiquées, les langues étrangères.
Rayon familial, c'est cette fois Izïa Higelin, sa demi-soeur, qui se colle au featuring pour une "Beauté de l'amour" sans grand génie. On avait déjà été déçu par l'intervention du papounet sur Le destin du voyageur (en 2005) et l'on en viendrait presque à se demander si tout cela ne serait pas avant tout une concession tardive au familly business pour celui qui avait d'abord préféré ne garder de son patronyme que l'initiale pour faire carrière. Mais la présence d'autres invités (Saul Williams, Claire Farah, Jean-Louis Trintignant) nous rassure sur ce point : il ne faut y voir que l'expression de cette pratique en passe de devenir mode dans la chanson française, consistant à multiplier par quatre ou cinq les voix chantantes, comme si un seul timbre risquait de ne pas suffire à acheminer les compositions jusqu'à l'oreille du grand public. Comme souvent dans ces cas-là, on aura tout de même tendance à penser que les meilleurs titres de l'album sont ceux que l'artiste aura pris soin de se mettre en gorge propre.
Cette précision faite, on dira que Baba Love, s'il n'est pas le plus grand album de son auteur (ah ! la folie et la liberté de ses années 90 !), pourra parfaitement tenir dans sa discographie la place de l'album de la maturité, le milieu de la quarantaine méritant forcément à celui qui l'atteint une certaine bienveillance lorsqu'il commence à manifester une certaine modération – le déclin du groove et de la chaleur naturels de son auteur annonçant une transition, on l'espère, vers des compositions plus profondes encore à venir. Vivement le prochain album, donc, dans lequel Arthur H n'aura peut-être plus besoin que Jean-Louis Trintignant lui tienne la main le temps d'une "Ivresse des hauteurs" : sept minutes de grâce récitative, mais au goût encore de trop peu osé. |