Jay-Jay Johanson ne parvient pas à convaincre sur scène. Seulement accompagné d’un clavier, la chaleur de ses disques ne passe pas.
Dans la salle de l’Aéronef, la déception était réelle. Le public est resté statique, confortablement assis, trop sage pour manifester de l’émotion, hormis les applaudissements convenus à la fin de chaque chanson.
Je m’attendais en réalité à d’autres retrouvailles, depuis mon premier concert il y a treize ans à l’époque de l’excellent Whiskey (1997). Depuis cette date pour une raison que j’ignore, j’ai arrêté d’écouter Johanson − longue période au bout de laquelle est apparue cette déception à retardement. Je me souvenais d’un Johanson plus proche du public, moins timide.
Ce concert de 1997 m’avait laissé dans un état d’apesanteur : j’étais touché par des chansons émouvantes et engageantes. Peut-être que cela m’avait suffi : c’était manifestement le moment de passer à autre chose. D’où le caractère ambigu de ces retrouvailles-là : de quoi pouvais-je être déçu, moi qui n’attendait plus rien de ce chanteur suédois ?
Au début du concert de l’Aéronef il est arrivé quelque chose d’assez difficile à décrire : cette musique ne nous atteignait pas vraiment. Les chansons ne semblaient pas jouées pour le public, cela ne faisait plus aucun doute après une dizaine de minutes. Et le pire est qu’elles n’étaient même pas jouées pour l’auteur lui-même : elles n’étaient en fait destinées à personne, n’impliquant émotionnellement aucun spectateur.
Il s’agissait bien là d’un concert fantôme, ce qui aurait pu avoir un certain charme en d’autres circonstances. Ce jazz-électro demandait assurément à être incarné − et je ne crois pas qu’un groupe plus complet eût résolu le problème. Ce qui manquait à Johanson ce soir-là, c’était d’habiter le lieu : sortir ses mots de la scène, les placer dans un espace plus vaste, et finalement : retrouver sa sincérité initiale. |