D'abord des CRIS... CRIs douloureux, cRIS féminins, CrIS aigus, CRiS de révolte !
Puis des dizaines de regards… braqués ! … Des pruneLLes inquiètes, des prunelles de colère, des prunelles de survie.
Il fait froid. Une foule de personnes s'amoncèle, regarde et écoute attentivement ce que chante LA dame ! ELLE ! Elle vit ses pensées, ses paroles. Elle les crie tout haut, fort, encore plus fort, au grand jour. ELLES sont peu, comme ILS sont peu à avoir ce courage, cette détermination, cette force de porter les autres sur leurs épaules et de croire, en des temps difficiles, à l'humanité. Les bras tendus, la silhouette élancée, ELLE lance son cri, haut vers le ciel, en rouge vif : Resistenz !
Nul besoin d'écoute pour le deviner : il suffit d'un regard pour planter le décor.
Resistenz n'en est pas à son premier hurlement. Nos reflets égarés résulte d'un long chemin de mots, de notes... mariage entre la plume acerbe, mélancolique et résolument poétique d'Ana Igluka et le murmure du médiator, électrique et aérien d'Erwan Foucault. Des textes, des poèmes et déjà un premier album, Bal folk Moderne, en 2008 ont connu la lumière des projecteurs.
Est-ce une lapalissade ? "A nos reflets égarés" est, sans conteste, un album engagé. De la couverture aux textes, l'album se fait porte-voix, fidèle à son image : la résistance. Nos reflets égarés dépoussière l'Histoire. Il rend un hommage vibrant aux femmes, celles qui, aussi, ont joué un rôle clé dans l'Histoire : la résistance, le cinéma, l'écriture…
Mais que les aventuriers se rassurent, les chiennes sont sages. Loin, très loin, le féminisme exacerbée. De titre en titre, des portraits de femmes, en filigrane, apparaissent ça et là. L'album rassemble des reflets féminins égarés. "Krull" expose les plus beaux clichés de Germaine Krull. Arrêt sur image sur la beauté de Louise Brook dans "Louise@thedancehall". Tristes souvenirs de guerre et ténacité de Sophie Scholl dans "La rose blanche". Jusqu'à la violence et l'horreur du massacre de femmes dans "Hassi Messaoud".
Comment la musique nourrit le verbe ? Assurément par des teintes de mélancolie ! L'accompagnement musical y est souvent aérien, jouant avec les silences, voire inexistant, à l'image du poème "Les chiens". Risqué ? Sans nul doute ! C'est le bémol flagrant de l'album. Lent, triste... L'atmosphère est souvent glacée.
Pour les oreilles attentives aux riffs déchaînés, les morceaux leurs sembleront surprenants de soupirs. Certains sont cependant plus rythmés comme "Louise@thedancehall" ou "Bird of Paradise". Hasard ou non ? Ils sont écrits en anglais. Hasard ou non ? Ils font référence à l'autre côté de l'Atlantique. Alors pourquoi ne pas avoir écrit "Hassi Messaoud" en arabe ? On le regrette presque. D'autres titres sont composés et même chantés par leurs propres auteurs. Impossible de ne pas laisser un moment les lumières sur la composition "L'usage du Monde" de Hugues Pluviôse, chanteur de l'ombre et pourtant, son interprétation en fait une pépite séduisante.
Nos reflets égarés est assurément un album qui s'écoute entre les lignes. Un album concept résolument féminin et engagé, risqué et engagé. TOUTES sont révélées avec parcimonie au travers de la poésie. Les bribes de réalité mêlées à la beauté des vers transforment les reflets égarés en souvenirs éclatants d'esthétisme. |