"Symfonia - Ouverture", à l'illustration évocatrice d'un contenu fortement placé sous le signe de l'hémoglobine, est le premier roman et le premier opus d'une saga écrite par Manon Toulemont qui ravira sans doute tous les mordus de "bit-lit", un nouveau créneau venu d'outre-Atlantique qui renoue avec la veine du roman gothique du 19ème siècle bien évidemment contextualisé.

Mais Manon Toulemont ne se contente pas d'un roman de vampires avec justicière énamourée. Bien qu'âgée de 19 ans, elle écrit et vise plus large sans doute parce que, comme l'indique son éditeur, étant autiste Asperger de haut niveau, elle y libère "l'intensité de sa vie intérieure". Une vie intérieure qui ne doit pas être de tout repos à en juger par la teneur de cet opus.

Aussi n'hésite-t-elle pas à multiplier les thématiques abordées, avec les thèmes de la normalité, de la différence, du bien et du mal, et la trilogie culte contemporaine que constituent la beauté, la jeunesse et l'immortalité.

Par ailleurs, elle connaît tant ses classiques que les littératures contemporaines et puisant dans tous les registres, procède à un véritable syncrétisme stylistique : de la fantasy à l'épouvante, du roman paranormal au thriller fantastique en passant par le gore.

Surabondance de thématiques et de registres mais, en revanche, parcimonie en ce qui concerne le nombre de protagonistes.

En effet, la bible des personnages est réduite puisqu'elle n'en compte que huit. Trois adultes, cependant pas vraiment ordinaires, un commissaire au passé trouble et qui porte le nom de Derspi, le professeur Thubert qui dirige le très secret Institut Evnom perdu au fond de la Fôret de Brocéliande et le général Anatole Durand qui dirige l'Ecole du Dragon Rouge réservé aux prédateurs de tous poils.

Mais surtout une adolescente et quatre jeunes adultes qui sont des êtres d'apparence humaine qui, selon le degré de cartésianisme du lecteur, sont soit investis de pouvoirs surnaturels ou supra-humains soit victimes de psychoses.

A savoir, Pacome Sycomore, vampire éleveur de serpents obligé, sous peine de mourir d'inanition, de saigner à blanc ses victimes qu'il exécute après un acharnement digne de celui de Patrick Bateman,

Alice Sycomore, sa jeune soeur, une Alice au pays des horreurs à tendance schizophrène qui s'en tient pour le moment à l'extermination de poupées Barbie,

Ange d'Orypan, une sirène de sexe masculin qui n'a rien à voir avec la gentille petite Ariel de Walt Disney, beau comme un dieu, cruel comme un démon, embusqué derrière un héritier qui a occis ses géniteurs, un artiste qui pousse à l'extrême le body art pour faire de ses victimes atrocement mutilées des oeuvres d'art doublé d'un cannibale auprès duquel Hannibal Lecter passerait pour un agneau et qui rappelle le tueur de Maurice Le Dantec dans "Vortex",

et deux étudiants, Joseph Lognes, musicien médium et Olympe Chevallier, hystero-magicienne aux pouvoirs incontrôlables auprès de laquelle Harry Potter va se trouver relégué au rang d'apprenti-magicien devant sa mallette de petit magicien apportée par le Père Noël.

L'opus fort de 411 pages qui, compte tenu de la taille des caractères, en valent bien 600, ne constitue que l'exposition de l'univers de Symfonia, la fameuse ouverture symphonique.

D'une écriture aussi peaufinée que clinique et dépourvue d'affect, riche en développements narratifs haletants, d'un réalisme et d'une violence saisissants, il relate en temps réel une série d'événements extra-ordinaires d'une intensité phénoménale concentrés sur une courte période de huit jours de temps pied au plancher selon un rythme cinétique d'une virtuosité maelstromique digne d'un film d'action (l'auteure est étudiante en licence d’Arts du spectacle cursus Cinéma, ceci expliquant peut-être cela).

Cette "ouverture" qui laisse pantelant est déconseillée aux âmes sensibles sous peine de cauchemars paranoïaques. Ceux qui ont tenu le choc, armés de gousses d'ail, de crucifix et d'eau bénite, attendent de pied ferme le premier mouvement.