A l'Auguste Théâtre, nouveau théâtre implanté sur le lieu de l'ancien La Comédia, que dirige Pierre Delavène, par ailleurs, comédien, metteur en scène, directeur des Cours Jean-Laurent Cochet et et de la Compagnie Jean-Laurent Cochet, se déroulent des spectacles atypiques, Les rencontres de l'Auguste, au cours desquelles, renouant avec la tradition de la rencontre, Jean-Laurent Cochet met en scène les élèves-comédiens de son cours dans un montage de textes des grands auteurs classiques et contemporains.
Pour la première de ces rencontres, placée sous le signe de l'unanimisme, la présence ensemble à un moment du monde, il a choisi trois auteurs.
"Amédée ou les messieurs en rang" de Jules Romains, avec Delphine André, Fabrice Archirel, Matthieu Beneteau, Pierre Boucard, Franck Cicurel, Guillaume Loublier, Gabriel Mirete, Geoffrey Mohrmann, Julien Morin, Hugues Popot, François Pouron, Denis Souppe et Jean-Luc Torrent.
En premier lieu, Jean-Laurent Cochet a placé Jules Romains, fondateur de cette doctrine littéraire relative à la peinture de l'homme in situ dans ses rapports sociaux, auteur notamment connu pour sa pièce "Knock" et l'abondante fresque romanesque "Les hommes de bonne volonté", dont il a choisi de présenter l'intégralité d'une pièce courte en un acte, "Amédée ou les messieurs en rang".
Cette pièce "mystère" tonnante, grave, burlesque et même inquiétante, se déroule dans la boutique d'un cireur (Denis Souppe truculent en petit commerçant exploiteur et grippe sous) où transpirent deux "décroteurs" : l'un se contente sans état d'âme de faire le minium syndical (Pierre Boucard) l'autre, prénommé Amédée, rage de ne pouvoir pratiquer un métier qu'il a érigé en art (François Pouron ténébreux).
Dans cette échoppe pittoresque où se noue de faciles romances sous l'égide de la pluie (Fabrice Archirel et Delphine André), va subitement s'établir une atmosphère d'inquiétante étrangeté propre à effrayer certains clients (Hugues Popot excellent dans la montée de l'angoisse panique et Geoffrey Mohrmann).
Amédée refuse de cirer les chaussures d'un client, les clients qui ne ne se connaissent pas, fédérés par la béatitude contemplative induite par le lieu, vont s'ériger en confrérie (Matthieu Béneteau et Jean-Luc Torrent épatants dans l'insolite)
Tous les élèves-comédiens sont tous remarquables dans ce registre délicat.
Extrait de "Eurydice" de Jean Anouilh, avec Sam Richez, Norah Lehembre, Vincent Simon, Jean-Claude Eskenazi, Julien Dupuy, Luc Davin, Olivier Bellot, Maryse Meslier, Anthony Henrot, Noémie Caillaut, Valentin Baleix et Sélim Lakdari.
Est présenté le troisième acte de cette version modernisée du mythe grec, immergée dans le milieu du théâtre, dans lequel Jean Anouilh montre que la mort d'Eurydice ne constitue qu'une des étapes de la nécessaire descente aux enfers, métaphore du processus d'individuation, d'Orphée.
Sam Richez, qui joue déjà régulièrement sur scène et qui incarnait à merveille l'amant persuasif dans "Aimer" de Paul Géraldy mis en scène par Pierre Delavène, est tout aussi excellent dans le rôle de l'amoureux passionné, jaloux et intransigeant face à Norah Lehembre qui s'affirme de belle manière avec la partition d'Eurydice
Oeuvres de Jean Giraudoux avec Julien Dupuy dans le monologue du jardinier extrait de "Electre", Philippe Le Gars et Mélanie Le Bras dans un extrait de "La Folle de Chaillot" et Guillaume Beyeler et Gabriel Mirété dans le monologue du jardinier extrait de "Sodome et Gomorrhe".
Avec Jean Giraudoux, la présence au monde est abordée de manière plus élégiaque même quand elle s'exprime par la voix des gens simples tels Martial le garçon de café et Irma la plongeuse dans "La Folle de Chaillot". Le premier est imparablement campé par Philippe Le Gars, comédien aguerri et assistant de Jean-laurent Cochet, face à la jeune Mélanie Le Bras qui donne au personnage une absolue fraîcheur et une sensualité terriennes.
Chez Giraudoux, le jardinier est le medium privilégié,médium de l'auteur-poète et de l'impérissable beauté de la vie et de l'amour. Au lamento du jardinier extrait de "Electre", Julien Dupuy apporte une candeur et une foi au personnage qui lui permet de transcender sa profonde solitude et son drame personnel.
Dans la suite de lamentos qu'est "Sodome et Gomorrhe", l'espoir est représenté par le monologue du jardinier, qui obtient de l'ange exterminateur (Guillaume Beyeler hiératique), la possibilité de sauver une fleur de son jardin voué à la destruction et s'interroge sur le sens de sa mission et Gabriel Mirété se distingue par une impressionnante prestation toute en émotion sensible. |