Stick Music est le 3ème opus des Clogs, groupe instrumental, dont le précédent Lullaby for Sue s’inscrivait dans une démarche néo-classique post-rock particulièrement réussie et unanimement saluée.

Le quartet Bryce Dessner (guitare), Rachael Elliot (basson), Thomas Kozumplik (percussions) et Padma Newsone (violon, chant, composition) poursuit sa quête qui passe vers un minimalisme abouti pour tendre parfois vers l’ascèse.

Sur la thématique du bois, de la forêt qu’on élague et replante régulièrement pour l’élaguer de nouveau, comme ces mains qui plongent dans l’humus de la forêt composé des feuilles qui se décomposent pour nourrir l’arbre dont elles sont tombées et qui abrite le nid où la vie va s’éclore, les Clogs nous invitent à un voyage dans le temps pour retrouver l’épure de la musique, qui comme le tronc de l’arbre se compose de strates successives.

Avec la collaboration de Jennifer Choi (violon), Erik Friedlander (violoncelle) et Tim Ferney (percussions), les Clogs développent des compositions instrumentales singulières et rares qui, si elles rôdent toujours du côté des sonorités indiennes ou asiates, viennent aussi s'aventurer sur les rives de l'impressionnisme musical du début du 20ème siècle.

Sonorités indiennes avec le bref morceau d’ouverture, "Ananda Lahari", musique traditionnelle dont le titre est également le nom d’un instrument que fabriquent les Baûls, communauté de chanteurs vagabonds du Bengale, et qui signifie les vagues de la joie, dans lequel on reconnaît le violoncelle d’Erik Friedlander.

Sonorités d'extrême orient sur "Pencil stick", avec le violon virevoltant de Padma Newsome sur lequel vient en contrepoint le violoncelle, qui s’envole vers les berges du Mékong ou du Yang Tsé Kiang au rythme des jonques esquissé à larges touches du pinceau au poils de soie et les percussions de "Sticks and nails" qui nous transportent dans la sérénité des monastères bouddhistes pendant que tournent les rouleaux et jugulent toute incartade des cordes.

Musique minimaliste avec "Beating stick" pour 6 minutes 37 de bonheur pour ce pur duo guitare et violons aux cordes pincées, la courte ballade médiévale de "Lady Go" et "Pitasi" qui nous entraîne vers la tsiganie.

Et puis, les Clogs semblent s'aventurer sur un terrain musical plus symphonique, celui du début du 20ème siècle. Ainsi, "River Stick", dont l’introduction nous fait penser au "Vol du bourdon" de Rimski Korsakov, narre l’itinéraire du petit fêtu cahoté par les flots avant de rejoindre la mer dans un tourbillon symphonique proche de "la Moldau" de Smetana.

Mais le plus troublant est l'ensorcelant "Witch Stick" qui, privilégiant les climats et les couleurs sonores, évoque l'esthétique de l'impressionnisme musical de Debussy. D'ailleurs Debussy n'at-il pas été fortement influencé par la musique hypnotisante et exotique des gamelans ?