La lecture du premier roman de Régis Delicata, au CV mystérieux, la quatrième de couverture est muette sur ce point mais il est vrai qu'il n'a que 27 ans, parfois présenté comme "rédacteur et directeur de collection pour des maisons d'édition", s'annonce de manière plutôt enthousiasmante.
A savoir : un titre accrocheur qui fleure bon la Série noire vintage ("Rhapsodie pour une dent creuse"), un personnage principal, héros et narrateur,
à la profession atypique (il est "trouveur d’objets introuvables pour collectionneurs extravagants")
et une intrigue loufoque qui consiste à rapporter le dentier de Robert Mitchum.
Immédiatement, après quelques pages, se profilent, quand à la langue, les figures tutélaires de Frédéric Dard et Michel Audiard, et pour le registre le polar humoristique à la Donald Westlake. Certes il y a pire comme références mais, en l'espèce, il ne s'agit pas tant de références que d'une écriture ostensiblement "à la manière de" qui vire au pastiche.
Par ailleurs, là où cela se gâte, c'est que la trame narrative, réduite et au dénouement expédié à l'issue de 250 pages, est complètement parasitée, voire phagocytée, par un séquençage en développements digressifs sur des thèmes divers et variés, truffés de références littéraires et cinématographiques - véritable salmigondis de "scènes" comme le lecteur laborieux l'apprendra en lisant le "bonus" constitué de "scènes coupées", l'auteur étant cinéphile - qui atteste de la culture-confiture de ce dernier tout en faisant irrémédiablement penser à la compilation-recyclage de chroniques, ce qui réjouira sans doute les doctes lettrés, amateurs de delicatessen, et les férus de littérature échevelée.
Cela étant, entre érudition et cuistrerie, s'inscrivant à contre-courant de ce qu'il appelle "le dogme ambiant du style à l’os", Régis Delicata, qui se dit, avec humour bien évidemment et sans doute auto-dérision,
"le David Bowie de la littérature", et qui a, comme les feuilletonistes payés à la ligne, la plume hémophile et la prose logorrhéique, se livre à un brillant exercice de style aux vertus scénaristiques.
Pour apprécier le sien, rendez-vous, peut-être, au second opus. |