Spectacle conçu par Gérard Noiriel et Marcel Bozonnet, mise en scène de Marcel Bozonnet, avec Yann Gaël Elléouet, Sylvain Decure, Manon Combes Zuliani, Ode Rosset et Marcel Bozonnet.
On ne saurait que trop féliciter Gérard Noiriel, que l’on connaît pour ses ouvrages de référence sur l’histoire de l’immigration et de la condition ouvrière, d’avoir voulu ressusciter la mémoire du clown Chocolat.
Première "star" à la peau noire en France, en duo avec le clown américain Footit, Rafael Padilla, dit "Chocolat", a triomphé sur toutes les scènes pendant une quinzaine d’années. Peint par Toulouse-Lautrec, filmé par les Frères Lumière, il a inspiré Debussy et prêté ses traits à des publicités pour Félix Potin.
C’est son destin hors du commun, celui d’un esclave cubain devenu l’un des rois de la Belle-Époque avant de sombrer dans l’alcoolisme et de mourir dans la misère, qu’évoque cette adaptation théâtrale de Marcel Bozonnet.
Sur le rond d’une piste de cirque, avec un mât sur le devant de la scène et une toile en arrière-plan sur laquelle on verra, entre autre, des images du vrai Chocolat, vont donc se succéder des petits moments de la vie du grand artiste, avec ses instants de gloire et ses années de peine et de malheur.
Hommage sensible, ponctué par des exercices d’équilibre sur le mât ou sur une boule par Ode Rosset, le spectacle conçu pa Marcel Bozonnet retrace les principaux épisodes de l’existence de Chocolat. Évidemment, le côté biographique de l’entreprise frustrera ceux qui auraient aimé que l’on s’attardât sur le duo Footit-Chocolat. Comment Chocolat devint une vraie vedette en acceptant de reproduire tous les stéréotypes frisant le racisme accolés à l’homme de couleur à la fin du dix-neuvième siècle.
Dialectique du maître et de l’esclave, du fort qui fait rire en donnant des coups de pied au plus faible, le couple Footit-Chocolat annonçait tout le music-hall moderne et bien plus, de Laurel et Hardy à Godot, puisque Beckett avoua s’être inspiré de Footit pour Pozzo et Chocolat pour Lucky.
On regrettera donc que "Chocolat, clown nègre" ait avant tout voulu faire resurgir la figure singulière de Chocolat, mais on soulignera la belle prestation de Yann Caël Elléouet, qui vit vraiment la tragédie de celui qui ne fut pas un simple clown mais un réel artiste, et on ne sera pas insensible au climat d’émotion que sait créer Marcel Bozonnet, avec notamment un très beau final bourré d’émotion, qui n’a rien à envier à la touche finale entre tristesse et poésie des parades felliniennes. |