Faute de vraie conviction politique inculquée par le milieu familial et de conscience vraisemblablement par un certain défaut d'intérêt pour la chose publique et le politique, l'auteur, Thomas Ducrès, journaliste pour Technikart, collaborateur régulier de Tsugi, le magazine défricheur de musiques, créateur de l'E-magazine culturel Gonzaï.com, narrateur à la première personne du singulier dont le "je" n'est pas un autre, s'est toujours complu, au regard du "devoir" électoral, soit dans l'abstention, soit dans un pseudo-opportunisme de girouette. En 2011, ayant passé le cap de la trentaine, alpagué par une prise de conscience taraudante, il se rend compte d'une part, qu'il incombe désormais aux jeunes générations actives de prendre les rênes du chariot du temps.
D'autre part, qu'il va devenir difficile pour celles-ci de se contenter d'imputer aux générations précédentes, même si celles-ci trimeront jusqu'à 70 ans, la responsabilité de tout ce qui va mal ("assister quotidiennement à la débâcle des institutions de nos parents") et donc de remplacer l'attentisme face à "l'évanouissement de la foi politique, la désillusion généralisée et le scepticisme ambiant" ou l'art aisé de la critique par l'action sinon pour changer le monde du moins y tendre.
Aussi, face à l'échéance électorale de la présidentielle 2012, il entre lui aussi en campagne pour trouver le candidat qui saura le séduire et lui faire prendre le chemin des urnes, campagne dont il livre la quintessence moelle dans "A voté ?", sous-titré "Electeur indécis recherche candidat désespérément".
Prenant son bâton de pèlerin de futur votant, il va s'organiser un petit road-movie politique hexagonal en forme de quête tout autant civique que personnelle puisqu'il cherche l'homme providentiel ("je veux faire partie de ces Français mobiles qui croient davantage en un homme qu'en un parti") et un homme qui pour lui serait à la fois un substitut paternel ("à travers le président, c'est aussi l'image de mon père que je cherche") et une figure charismatique capable d'"inspirer le rêve".
Fort étonnement Thomas Ducrès commence son périple à Pau en rencontrant Frédéric Nihous, le candidat "Chasse, pêche, nature et traditions" qui n'a aucun espoir d'être élu un jour et le clôt à Paris par un entretien avec l'un des derniers dinosaures de la politique, Michel Rocard, ("homme politique à part, trop intelligent pour être accepté par les Français mais pas assez malin pour conquérir l'Elysée"), qui n'a pas manifesté de velléité présidentiable.
Entre temps, et entre autres, il
aura adhéré simultanément à l'UMP et au PS pour devenir un "agent double d'un nouveau monde où le sympathisant peut à loisir de choisir plusieurs camps sans avoir à craindre de représailles ou un exil forcé dans les goulags", suivi les universités
d'été 2001 de l'UMP à Marseille ("réunion aussi panurgique qu'un bétail guidé par un prompteur"),
assisté au meeting de la dernière chance de Ségolène Royal à Montreuil qualifié de "manipulation des masses" et aura joué des coudes pour figurer au banquet des mille à Paris du FN.
Comme Edward aux mains d'argent, il taille également de beaux costumes tout azimuth aux figures du microcosme politique qu'il compare à un bocal de "piranhas", exception faite pour Dominique Strauss-Khan, l'homme aux trois initiales, avant qu'il ne devienne un acronyme
bon client de la page des faits divers.
S'agissant des deux candidats principaux, Thomas Ducrès semble les renvoyer dos à dos en se demandant, pour le président sortant," comment porter au suffrage universel un homme dénué de raison, de sang-froid, et plus que tout d'équipiers de haut niveau" et analysant le candidat de "la farce tranquille" de "coureur de fond sans programme ou leader sans idées le candidat du PS prépare à sa façon la cinquième mort du socialisme".
Alors, alors, quel suspense ! Thomas Ducrès a-t-il déniché l'oiseau rare, trouvé le candidat à la hauteur de ses espérances pour un monde plus beau et plus juste ? Rendez-vous à l'épilogue.
Un épilogue dont le caractère surprenant ne tient ni au fait, prévisible, qu'il n'y dévoile pas le contenu de son bulletin de vote, ni au succès de son entreprise, qui lui a permis de retrouver le sens de l'engagement, mais à la composition de son gouvernement idéal qu'il compare à une "agence tous risques des situations de crise".
Pas de scoop, ni de jeunisme. Quasiment que des seniors - et même deux octogénaires - qui ont tous déjà amplement tâté du maroquin. Car comme Thomas Ducrès l'écrit avec pragmatisme mais également un certain désenchantement : "Aussi sûr qu'on change une équipe qui ne gagne pas, on n'a rien à gagner à la remplacer par une qui ne changera rien". |