Réalisé par Mohamed Diab. Egypte. Drame. 1h50. (Sortie 30 mai 2012). Avec Nelly Karim, Nahad El Sebaï, Bushra Rozza, Omar El Saeed, Bassem Samra et Ahmed El Fishawy.
Rarement le cinéma est synchro avec la société qu’il décrit. Pour son premier film, Mohamed Diab réussit la prouesse d’y parvenir. Situé quelques mois avant la "Révolution égyptienne", "Les Femmes du Bus 678" peut se voir comme un document sur une société prête à craquer où dans l’espace étroit et confiné d’un bus bondé se joue l’extrême violence des rapports homme-femme.
Film à thèse, dénonçant le "harcèlement sexuel" dont sont victimes toutes les Égyptiennes dans une société où la misère et les tabous sexuels amplifient la difficile cohabitation des sexes, "Les Femmes du Bus 678" s’appuie sur les histoires croisées de trois Cairotes pour démontrer l’étendue du problème.
Qu’on soit une femme occidentalisée de la haute société, une femme voilée travaillant dans l’administration ou une jeune fille socialement à mi-chemin des deux autres, on sera confronté à une société où les hommes, déterminés par leurs milieux sociaux respectifs, ont des comportements machistes, actifs ou passifs.
Face à cela, que faire ? Diab examine les différentes possibilités, entre réponse radicale individuelle et tentative des femmes de se réunir pour agir et trouver des solutions légales.
Qu’on se rassure, "Les Femmes du Bus 678" n’est pas un film didactique et vaut mieux qu’un docu-filmé sur la condition féminine en Égypte. On y suit des histoires d’amour et d’incompréhension, avec en prime une enquête policière menée finement par un policier truculent et obèse.
Ce ne sera pas injure d’écrire que Diab n’est pas un metteur en scène hors pair et qu’on retrouve dans son film le laisser-aller qu’on n’osait jamais dénoncer chez le surfait Youssef Chahine. Ce n’est pas l’essentiel, car, dans ce foutoir passionnant, on puisera beaucoup de faits et d’informations qui permettront de comprendre ce qui se passe aujourd’hui dans l’Égypte post-Moubarak.
On n’ira pas forcément voir "Les Femmes du Bus 678" de Mohamed Diab pour la marque qu’il laissera dans l’histoire du cinéma, mais pour la richesse de son propos.
Après tout, le cinéma c’est aussi fait pour connaître le monde. Ces dernières années, au-delà de la propagande télévisuelle pour ou contre le régime de Téhéran, le cinéma iranien a fourni beaucoup d’éléments pour découvrir un peuple dont les actions et les réactions ne sont pas sans portée pour l’avenir du monde.
Aujourd’hui, c’est au tour du cinéma égyptien de venir à la rescousse des analyses théoriques.
Bonne nouvelle que ce retour d’un cinéma de fiction bien dans le réel... |