Spectacle
de la Compagnie La Gargouille mis en scène de Reda Samoudi
avec François Duhem, Stéphane Duperay, Cathy Martin
et François Rousseau
Sachez tout de même que le spectacle commence dans le hall
d’accueil du théâtre. Quelques minutes avant
la représentation, entrent successivement des personnes dont
le physique, l’attitude, le comportement sont en complète
inadéquation avec le reste de l’assemblée. Les
spectateurs attentifs à ce qui se passent autour d’eux
perçoivent immédiatement à l’entrée
de la jeune fille en duffle coat, couettes et lunettes la différence.
Quelle différence ? La différence à la normalité,
la normalité sociétale. Impossible pour les spectateurs
encore dans leurs conversations de rater cependant le jeune caractériel
ou le grand escogriffe en combinaison blanche qui s’asseoit
et regarde fixement devant lui, laissant parfois échapper
quelques onomatopées. Le ton est donné. La folie,
ô combien contingente, est parmi nous.
Et le spectacle est aussi dans ce hall. Voir les réactions
du public : surpris, interloqué, indifférent ou pouffant
pour cacher sa gêne.
L’argument : trois personnes ont gagné une séance
gratuite de thérapie de groupe organisée par une concierge
psychanalyste diplômée de l’enseignement par
correspondance.
Pas de doute : le comportement de deux d’entre eux ne prêtent
pas à confusion : Jean François Jeff autiste dont
les circuits neuronaux ont été totalement corrodés
par l’abus des jeux vidéos et Mélanie l’exterminatrice
des pigeons qui ont boulotté son petit ami lorsqu’il
interprétait une miette de pain.
Pour la troisième, Klara, qui se défend d’avoir
un quelconque besoin de thérapie, le comportement est en
apparence le moins déviant. Mais la folie serait-elle contagieuse
? Elle se trouve vite immergée dans une folie communicative
résultant de leur confrontation.
Quant à l’extraterrestre, Ed, qui agite une cloche,
mange, répète la mythique phrase biblique de Pulp
fiction, on peut se perdre en conjectures. Existe-t-il vraiment
? Est-il fou ? Sommes-nous en fait dans un hôpital psychiatrique
? A chacun sa vérité !
Tour à tour drôles, émouvants, horripilants,
irrésistibles, ces personnages prennent corps et vie et nous
renvoient à notre propre perception de la différence
de l’autre. Ils nous entraînent aussi dans leur univers
de manière quasi insidieuse sous couvert de burlesque, de
non-sens et d’absurde, ou tout simplement quand la réalité
est poussée à ses limites.
Représentation sans temps mort... et ce sera bien le seul.
En effet, outre le spectateur qui sera mort de rire, les morts sanguinolents
et les meurtres cruels abondent car ces fous ne sont pas si gentils
que ça finalement.
Les comédiens sont excellents : François Rousseau,
Don Quichotte revenu de Mars ou Mac Beth sorti d’un train
fantôme, Cathy Martin la chimiste volatilophobe, François
Duhem en compulsif et Stéphanie Duperay en poupée
Barbie schizophrène.
Quant à la mise en scène astucieuse et atypique,
elle nous conduit toujours sur le fil du rasoir entre rire et gravité,
comme dans la vie. La folie ne serait-elle pas une respiration de
l’âme ?
|