Godspeed You! Black Emperor est un objet, obscur, de culte, obscur aussi pour la non-initiée.
L'ordre fut intimé : "Vas-y". Bon.
Lieu du sabbah : La Condition Publique, à Roubaix. Encore faut-il la trouver, la condition du peuple. Première étape, déjà tout un voyage, elle se cache, mène à des bords de rivière sordides et tentants, friches d'outre-monde.
De tours en détours il est trop tard pour la première partie. Arrivée à l'entre-deux, quand le public se fait foule compacte, quand le brouhaha se fait silence concerné, dans cette grande salle comme un entrepôt. Déjà, tout ça se tient.
Puis noir, son, c'est parti. Un tunnel de plus de deux heures, ahurissantes. Un mur du son instru-mental, qu'on dit post-rock mais en progression constante, infime. Comme certains films contemplatifs qui vont trop vite à force de lenteur : chaque variation si infime soit-elle prend un sens et une ampleur démesurés. Le passage du début à la fin de chaque morceau (chacun d'une durée d'environ 30 minutes) se fait sans qu'on s'en aperçoive, et arrivée au bout, ce sentiment de frustration de n'avoir pas pu tout saisir malgré l'étendue de la chose. Il y a aussi qu'on y est bien, le périple urbain, l'entrepôt de briques, ce son post-urbain, parfois crachant : l'évidence.
Le groupe est invisible, plongé dans l'obscurité, mais aucune importance, des vidéos projetées sur la scène parlent pour lui. Et argumentent. Noir et blanc et gris, désert de villes poussiéreuses, pellicule grattée, brûlée. L'image est membre du groupe à part entière, sombre, encrée, ancrée, tortueuse mais pas torturée.
Il est des musiques qui accompagnent l'existence, qui colorent un chemin ; il en est d'autres qui relèvent de l'essence même, une résonance simplement, évidemment.
GY!BE n'existe pas. Retour à la vie, l'autre, le chemin.
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