Comédie dramatique de Harold Pinter, mise en scène de Marie-Louise Bischofberger, avec Marie Vialle, Louis-Do de Lencquesaing et Christian Leborgne.
Dernièrement, certains metteurs en scène ont oublié qu’une des influences majeures d’Harold Pinter était le théâtre de Samuel Beckett. Une des grandes qualités de "Une petite douleur", montée modestement et minutieusement par Marie-Louise Bischofberger, est de ne pas l’avoir oublié.
Il est vrai qu’il eût été difficile de trouver une logique au personnage du "Grand marchand d’allumettes", de cacher que son irruption dans le cottage cossu d’un couple anglais d’âge moyen pouvait avoir une explication qui se tienne.
Ici, tout part d’un thé pris dans le jardin perturbé par une guêpe qui va connaître un sort qui révoltera autant les amis des animaux que les amateurs de marmelade.
Tout n’est que calme et ennui, même si le mari, saisi parfois d’une petite douleur "lumineuse", ne manque pas de moquer sa femme qui pense - ô crime de lèse intellectuel ! - que les hyménoptères mordent et que son époux écrit un essai sur le Congo Belge. Mais il y a hors champ et hors jardin, à quelques mètres de ce cottage paisible, un homme étrange qui vend des allumettes sur un chemin où ne passe personne…
Curieux sujet pour une des premières pièces d’un jeune auteur de 28 ans, mais qu’on peut lire comme un chaînon nécessaire pour élaborer seulement quelques mois ou années plus tard les chefs-d’œuvre qui feront sa réputation, comme "Le Gardien".
Choix majeur, Marie-Louise Bischofberger a décidé que le couple Marie Vialle-Louis-Do de Lencquesaing n’avait pas de distance avec la situation étrange qu’ils créent en laissant entrer dans leur intérieur cosy le géant aux boîtes d’allumettes. À la fois pataud et inquiétant dans son mutisme, seulement interrompu par quelque chose qui ressemble à des rires, il est campé magistralement par Christian Le Borgne.
Mais ses deux mètres dix volumineux occupent intensément les lieux et impliquent qu’il soit une réalité et non, comme on aurait pu l’imaginer, une illusion, un fantasme récurrent pour un couple qui a besoin de se créer une présence irréelle pour éviter leurs rituelles conversations sur les clématites ou les volubilis.
C’est donc en proposant un vaudeville minimaliste, joué sur un ton plaisant et enjoué par un couple d’acteurs convaincants, que Marie-Louise Bischofberger tente de résoudre la plupart des mystères qui traversent un texte trop concis pour tout révéler.
Sans doute qu’à force de jouer "Une petite douleur" les protagonistes exploreront de nouvelles pistes. Reste qu’en l’état, cette pièce d’un Pinter encore en devenir a l’avantage d’être à la fois distrayante et ouverte vers un indéfinissable ailleurs théâtral.
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