Réécriture de l'oeuvre "Baal" de Bertolt Brecht, texte et mise en scène de Clément Bondu, avec Pauline Bayle, Pauline Bolcatto, Najda Bourgeois, Hélène Bressiant, Julien Drion, Alex Fondja, Pierre Giafferi, Karim Khali, Nina Paloma Polly, Loïc Renard, Hélène Rencurel et Juliette Séjourné.
Il est d'usage au Conservatoire National Supérieur d'Art dramatique, que les ateliers d'interprétation soient dirigés par un professeur, une personnalité ou un étudiant de dernière année, chacun laissant à sa manière son empreinte sur le travail des élèves et insufflant une part subjective de sa propre créativité.
Cette année, c'est Clément Bondu, élève de troisième année, qui dirige ses camarades autours du thème de "La musique la liberté", en adaptant "Baal", le texte de Bertolt Brecht.
Cette œuvre de jeunesse du dramaturge allemand, très lyrique et passionnée, ainsi que le personnage absolu et autodestructeur de Baal, qui consomme le monde et au final consume sa vie, sied parfaitement à l'enthousiasme et à l'énergie des élèves, tout en partageant vraisemblablement leurs préoccupations de jeunes adultes. La longue déchéance de Baal, sur fond de quête absolue du beau, cristallise en effet tous les fantasmes et toutes les interrogations des hommes: où et comment trouver un sens s'il existe?
A ces questions Clément Bondu, n'apporte évidemment pas de réponses claires, mais nous propose son ressenti, en musique, personnage à part entière du spectacle, composée par Jean-Baptiste Cognet. Elle donne en effet le sentiment, la texture, la tonalité d'une scène, mais également invite au jeu, au mouvement, au lâcher prise. Elle est l'essence de la vie même. Plusieurs instruments sont donc présents à tout instant en fond de plateau (piano, guitare, alto, violons et violoncelle) et rythme l'enchainement des scènes.
Dans une mise en scène très graphique et moderne conçue par Elodie Dauguet, où on sent l'influence générationnelle du clip musical, Clément Bondu imagine tour à tour une fête, une mansarde, un Délirium, la nature et propose à chaque fois un univers bien distinct en poussant les intentions à leur paroxysme.
Son Délirium, peuplé de créatures étranges, monstrueux pantins désarticulés, est particulièrement saisissant. Pour figurer la nature, il n'hésite pas à recouvrir le plateau de terre ni à plonger les comédiens dans l'eau de la rivière.
Du côté des élèves, la palette de personnages permet à chacun de s'exprimer et propose de vrais défis d'interprétation. Pierre Giafferi, Baal, attire bien entendu tous les regards et investit pleinement le personnage en exacerbant son côté bestial plus que poétique. Julien Drion propose un Eckhart plus mesuré et plus humain, donc plus accessible.
Pauline Bolcatto est poignante dans son rôle de Sophie, tout comme Hélène Rencurel qui interprète une mère déchirée et déchirante. Nina-Paloma Polly est fraiche, fragile et attachante en Jeanne, Juliette Séjourné toujours aussi juste, spectacles après spectacles et Pauline Bayle a une voix et une présence qui se remarquent même dans les plus petits rôles.
Le professionnalisme de l'ensemble est particulièrement impressionnant et augure du meilleur pour ces élèves qui nous transportent durant trois bonnes heures, ailleurs, tout simplement. |