Opéras bouffe de Jacques Offenbach, mis en scène par Jean-Philippe Salério, avec Emmanuelle Goizé, Flannan Obé, Loïc Boissier, Lara Neumann et Olivier Hernandez (en alternance François Rougier).
"Croquefer", c'est d'enfer. "L'île de Tulipatan" c'est épatant. Il ne manque que l'air et rares, sans doute, ceux qui connaissent les farfelus couplets de ces deux opus en un acte du prolifique et facétieux Jacques Offenbach.
Les voici exhumés par la Compagnie Les Brigands qui, traditionnellement, finit l'année et commence la suivante sur la scène du Théâtre Athénée-Louis Jouvet avec sa dernière création en date.
En effet, sous la direction artistique de Loïc Boissier, celle-ci se consacre au répertoire d'un genre d'opéra français oublié qui regorge de pépites et de perles en terme de divertissement lyrique et, sous la direction de Jean-Philippe Salério, pour le quintet de comédiens-chanteurs, et de Christophe Grapperon pour l'orchestre, le millésime 2012 est particulièrement goûteux et réussi.
Deux crus au menu avec, en premier lieu, l'opérette-bouffe "Croquefer ou le dernier des paladins" propose une déclinaison loufoque des guerres intestines dans un Moyen-Age de fantaisie. Croquefer, seigneur ruiné, sans armée, hors un écuyer idiot et têtu, sans château hors une tour délabrée, sans arme, il a avalé son épée, continue le combat en enlevant Fleur de Soufre la fille de Mousse-à-Mort, son ennemi séculaire qui revient éclopé de Palestine, amoureuse de son neveu Ramasse-ta-tête.
Suit "L’île de Tulipatan", opéra-bouffe qui aborde la thématique contemporaine du genre avec un imbroglio "sexuel" : Cacatois XXII, duc de Tulipatan Cacatoua a un fils doux, timide et gracieux, qui est une fille et son ministre Octogène Romboïdal, abusé par son épouse Théodorine, a une fille aux goûts de cuirassier qui est un garçon.
Le titre des couplets ("Mon château qu’il est chic !", "Oui, c’est moi comme Mars en Carême", "Vive le grand Cacatois!", "Je vais chercher les petites cuillères"), suffit à donner le ton de gaité et de loufoquerie qui préside aux deux livrets savamment mises en musique par Offenbach.
Sur scène, dans une scénographie à l'esthétique épurée de Thibaut Fack qui s'écarte résolument du décor de carton pâte régulièrement usité dans ce registre musical, avec un grand miroir, incliné pour un jeu tête à l'envers sur un mini castelet, puis à la verticale avec portes en tourniquet pour un salon en galerie des g glaces, des costumes en symétrie dans les deux actes de Élisabeth de Sauverzac et la chorégraphie efficace et primesautière de Jean-Marc Hoolbecq, deux ténors, deux sopranos et un baryton s'en donnent à coeur et à choeur joie.
La variété des couplets permet à chacun de faire valoir son talent : la pétulante Lara Neumann est irrésistible en princesse volontaire et en mère virevoltante face à François Rougier excellent en amoureux comme en mari tyrannique.
Loïc Boissier est désopilant en duc de pacotille qui affectionne autant les bains de pied que la barcarolle.
Quant à la séduisante Emmanuelle Goizé et au sémillant Flannan Obé, ils forment le duo comique ravageur de Croquefer et le couple de contraires contrariés de Tulipatan qui explosent respectivement dans le solo "Vive le tintamarre" et le couplet du colibri.
Pétillant d'humour bouffon, tonique et jubilatoire, ce spectacle qui réunit des valeurs sûres du lyrique constitue un divertissement idéal et de surcroît de qualité. |