Nous avons rencontré Florent Marchet après son concert Noël’s Songs à Bar-le-Duc, histoire de savoir d’où est né ce projet, ce qui l’anime et avoir, ou pas, des nouvelles de Benjamin. Une rencontre sous le signe de la convivialité, avec un artiste véritablement attachant, un verre de vin chaud à la main et presque sous le sapin… Noël oblige.
Comment est né l’idée de ce Noël’s Songs ?
Florent Marchet : C’est né d’un heureux hasard, cela n’a pas été du tout prémédité, ni pensé directement dans sa globalité. En fait, il y a une personne qui s’appelle Madame Lune qui organise des spectacles éphémères dans un lieu, l’église Saint-Eustache à Paris. Le but étant de monter un concert totalement inédit, tout en acoustique. Elle me l’a proposé, elle avait déjà fait des choses avec Camille, et j’ai dit oui, parce que cela m’intéressait. C’est une mise en danger que j’affectionne. Elle m’a dit le seul créneau qu’il me reste c’est en décembre, fin décembre, et sur le ton de la rigolade je lui ai dit : bon on va faire un concert de Noël. Après cela a fait son chemin dans ma tête, on était en juin. J’ai réalisé que je collectionnais un paquet d’album de Noël. J’ai toujours aimé ces disques. En fait, il y a une tradition outre-Atlantique qui est de s’emparer du répertoire de Noël et d’y mettre une singularité, donc il y a des groupes comme Belle and Sebastian, Blonde Redhead, Johnny Cash évidemment et à chaque fois on retrouve leur univers et je trouvais vraiment sympa. En France, on ne fait jamais ça, c’est soit le truc un peu poussiéreux...
Ringard.
Florent Marchet : Oui, ringard parce que des années 60, après ce n’était peut-être pas mauvais à l’époque mais bon voilà on ne propose que cela ou alors des versions extrêmement mercantiles. Donc très souvent en France, on a l’impression que les chansons de Noël c’est très cul-cul, ridicule. Je me suis dit qu’il devait quand même y avoir moyen de faire quelque chose, surtout que la plupart des chansons de Noël sont des traductions de standards. J’ai commencé à chercher et sans trop pousser les recherches il y avait déjà une dizaine de chansons dans ma tête. L’idée aussi était de ne pas écouter les versions originales pour ne pas être pollué par ça, et m’approprier directement les chansons comme moi je le chanterais avec mes souvenirs. Nous avons donc fait le concert, on a adoré et on a été hyper frustré de ne le faire qu’une fois, c’était il y a deux ans. On a enregistré l’album de Noël l’année suivante.
Et le EP ?
Florent Marchet : Oui il y a eu aussi le EP qui était à mi-chemin, c’était pour présenter un peu le projet. Après il y a eu tout l’album et on a fait deux dates sur Paris. Mais nous avions toujours cette frustration de dire, c’est bien on joue les morceaux de Noël, mais en fait on aimerait qu’il y ait une vraie progression narrative, une mise en scène, cela faisait très longtemps que je voulais travailler avec Guillaume Vincent qui est un metteur en scène que j’adore, et c'était l’occasion. Un projet un peu récréatif, mais c’est dans les projets récréatifs finalement que l’on se met le plus en danger, que l’on va chercher des choses qui vont nous nourrir. En même temps, c’est un projet lourd à monter parce qu'il y a une vraie scénographie, il y a du monde sur scène. Donc voilà ça s’est fait en trois étapes et la dernière commence à ressembler à quelque chose.
Travailler sur "Noel’s songs" t’a-t-il donné envie de faire "Coquillette la mauviette", et de continuer à collaborer avec Arnaud Cathrine ?
Florent Marchet : En fait… Je suis assez vigilent à rester quand même un minimum en accord avec l’enfant que j’ai été. Cette recherche est constante. Il n’y a pas de nostalgie, juste ne pas le trahir. C’est extrêmement important. Après pour rien au monde je ne revivrai mon adolescence, etc. Je suis très content de ma vie d’aujourd’hui mais je reste vigilent par rapport à ça. Je suis papa de deux enfants, je leur raconte très souvent des histoires le soir et cela m’a forcément donné envie, ce n’est pas que je me suis senti autorisé, quoique, mais j’avais quelque chose que j’avais envie de leur raconter.
En même temps dans la création, il ne faut pas se leurrer, on pense d’abord à soit, à ce que l’on a envie de dire, c’est quelque chose dont on a besoin d’exprimer. C’est quelque chose que l’on doit faire et qui est important. Et donc cette histoire fait partie de la transmission que j’avais envie de donner à mes enfants. Mais j’avais aussi envie de retravailler avec Arnaud Cathrine, il a une vrai expérience dans la littérature jeunesse. On a commencé à écrire ensemble, avec forcément des chansons parce que tous les deux on adore ça, et puis toujours d’avoir quelque chose de chorale. Mine de rien, tous ses projets parallèles permettent de travailler avec les autres et moi j’affectionne cela particulièrement. J’aime bien porter un projet seul sur scène, mais je ne ferai pas cela tout le temps. J’ai besoin d’être entouré, un peu comme dans une pièce de théâtre.
Tu t’inscris avec "Noël’s songs" dans une tradition plutôt anglo-saxonne, te sens-tu proche de Sufjan Stevens ?
Florent Marchet : Oui bien sûr j’aime bien, évidemment ! En même temps, nous n’avons pas la même langue, pas la même culture musicale, quoique. C’est quelque que j’apprécie beaucoup. Cela met en confiance de voir des gens comme ça sur scène. J’ai besoin d’être vraiment sur les fesses en écoutant des albums, quand on voit des gens sur scène ce n’est que des bonnes nouvelles. Je suis très malheureux des albums que j’attends et qui sont moyens.
Ce projet n’est-il pas un moyen pour te donner un cadre. Te placer dans une thématique comme tu le fais souvent comme le passage à l’âge adulte, le traitement social, le romanesque, le temps qui passe ?
Florent Marchet : Il n’y a rien de gratuit. Quand je fais quelque chose, c’est parce que cela m’anime. C’est souvent inconscient, je ne sais pas forcément pourquoi. Je me fais beaucoup plus confiance qu’il y a dix ans là-dessus. A priori, je ne suis pas un fan de Noël, je suis comme beaucoup d’adulte, même si c’est différent quand tu as des enfants, n’est-ce pas ? J’ai cru comprendre que tu en avais un aussi… Et au fond, si je me suis attaqué à cela, c’est parce que cela faisait écho à ma démarche, à la démarche que j’ai dans mes chansons. D’avoir un regard un peu sociologique. C’est ce qui m’a intéressé. Ce qui touche aux autres. Aux autres vies que la mienne, voilà c’est ça. C’est regarder chez les autres ce qui va faire écho en moi. Ce qui va me permettre de me comprendre, de comprendre les gens qui m’entourent. Et c’est ce que je recherche à travers mes chansons. Mais j’aime bien aussi cette poésie naïve propre à Noël.
C’est aussi régler ses comptes avec son enfance, rentrer dans l’âge adulte…
Florent Marchet : C’est plutôt enfin laisser exprimer l’enfant que l’on a été. Comme je t’ai dit, je laisse la voix à l’enfant que j’ai été. Je ne sais pas si je règle des comptes. C’est une belle leçon de vie Noël, d’apprendre que le père Noël n’existe pas. Enfin si il existe mais comme un personnage de fiction. Et il y a des personnages de fiction qui sont bien plus vivants que des gens dans la vie réelle. C’est assez cruel aussi, mais bon je fais pareil avec mon fils. Un jour tu vas lui dire, le père Noël n’existe pas. Tu y vas par étape. Et puis c’est aussi leur apprendre qu’on est là sur terre mais peut-être pour rien et que de toute façon tout le monde va mourir. C’est la réalité. Il faut se réconcilier avec ça. Cela ne doit pas être une chose triste.
Comment va Benjamin ?
Florent Marchet : Je ne le croise plus trop pour ne rien te cacher (rires). Mais il doit se porter pas trop mal…
Pour terminer quels sont tes projets futurs ?
Florent Marchet : J’en ai pas mal. Je suis en train d’enregistrer en ce moment.
Toujours dans ton propre studio ?
Florent Marchet : Oui oui. Je travaille aussi sur le prochain film de Frédéric Videau, j’avais déjà fait "A moi seule" avec lui. Là, ça va être une comédie musicale, on bosse sur la musique et les textes. Voilà pour les grandes lignes. Nous devrions donc nous revoir pour le prochain album ! |