Musique sep Théâtre sep Expos sep Cinéma sep Lecture sep Bien Vivre
  Galerie Photos sep Nos Podcasts sep Twitch
 
recherche
recherche
Activer la recherche avancée
Accueil
 
puce puce
puce Travaux forcés
Mark Safranko  (13 E Notes Editions)  janvier 2013

"Travaux forcés" constitue le deuxième volume de la quadrilogie autofictionnelle de l'écrivain américain Mark Safranko initiée avec "Dieu bénisse l'Amérique" au terme duquel, dans les années 50-60, Max Zajack, son avatar littéraire, survivait à une enfance "à la Zola" dans une famille de deuxième génération d'émigrants polonais n'ayant pas réussi à s'extraire de la condition ouvrière et une ville manufacturière délétère qui ne participaient pas vraiment de l'American dream.

Victime de maltraitance à la maison, souffre-douleur patenté à l'école et spécialiste des acoquinages adolescents, il narre cette enfance placée sous la trinité tabac, alcool et drogue comme une épopée tragi-comique qui oscille, grâce à l'humour et une certaine forme d'autodérision rétrospective, entre pathétisme et truculence.

Difficile toutefois d'en sortir indemne : rescapé, voire miraculé, grâce à une stratégie spontanée basée sur la force d'inertie, et le détachement mental mais non sans séquelles.

Outre l'atavisme - les chiens ne font pas des chats surtout quand ils sont psychotiques - et l'addiction à la trinité "beat", tabac, alcool et drogue - c'est d'ailleurs dans l'after d'un bad trip à la mescaline que commence ce deuxième tome - la conséquence la plus dommageable est le rejet du principe de réalité avec pour corollaire une seule règle, le principe de plaisir ("La plupart du temps, je pensais aux bouquins, à la musique et à toutes le filles que j'allais me taper").

A 20 ans, Max Zajack aborde sa vie de jeune adulte, sans diplôme, sans qualification professionnelle, et surtout sans envie de travailler.

Ce qui ne l'empêche pas d'avoir un idéal, une vie sans travail ("...par travail j'entends une activité déplaisante et ennuyeuse exercée uniquement pour subvenir à ses besoins...".

Et également de nourrir une ambition démesurée, celle d'être un artiste génial ("Je voulais être le prochain Dostoïevski") et sans concession au regard des canons de la culture américaine ("Pour gagner à jamais le coeur de l'Amérique, il suffisait d'écrire une chanson niaise, un roman à l'eau de rose ou quelques comédies musicales"), tout en ne sachant pas encore dans quel art sauf qu'il ne doit pas nécessiter une trop grande dépense physique. Ainsi, a-t-il tôt fait d'écarter la musique ("Le mythe du petit groupe de rock n'est rien d'autre que ça, un mythe pitoyable. Une vie de chien harassante, sans merci").

S'il refuse de s'inscrire pour la course à l'échalote de la méritocratie et dénigre les privilèges issus d'une naissance fortunée, il ne cracherait pas dans la soupe à l'oseille s'il avait une cuillère ("Dans mes fantasmes, je voyais déjà un contrat avec une maison de disques, du sexe à gogo et l'argent qui coulait à flots").

En attendant, il doit se résoudre à effectuer des petits boulots alimentaires, les fameux "bad jobs", selon sa conception bien personnelle du travail ("ce travail était censé me permettre de fuir la réalité et de me cacher, tout en empochant un salaire") qui s'apparente au mécénat qui devrait être la règle pour celui qui se voit en "aspirant écrivain" ("... artiste avant tout : il a besoin d'une cachette pour rêver et s'épanouir. Il n'est pas adapté au quotidien").

Bien évidemment, il ne doit pas être fatigant mais l'anti-héros Zajack est allergique à tout travail, même intellectuel préférant, à tout prendre, un boulot débile ("Au moins, mon esprit serait libre de vagabonder"). Epuisé au bout d'une demi-heure, son seul souci est de trouver une planque pour ne rien faire ou mieux pour lire. Cela dure ce que cela dure, juste le temps d'amasser un petit pécule lui permettant de buller le plus longtemps possible entre boulimie de lecture et onanisme frénétique.

L'oisiveté, mère de tous les vices, est aussi celle de la divagation et de la neurasthénie ce qui le mine, ainsi que d'un ennui qui annonce celui qui fera des ravages dans la génération suivante.

De ses parents, il a hérité non seulement l'instabilité psychique, les nerfs à vif ("J'avais toujours eu tendance à osciller entre la déprime et les bouffées d'angoisse, mais là c'était pire que tout. J'étais sujet à des crises de panique d'une violence primitive et je faisais des cauchemars terrifiants"), mais également quelques déplaisants traits de caractère, tenant à la xénophobie et à l'antisémitisme ("Je n'étais pas un gamin juif précoce à qui on serinait depuis le berceau qu'il était la huitième merveille du monde"), et surtout le penchant au ressentiment non constructif.

Amertume, acrimonie et envie nourrissent ses vitupérations contre l'élitisme social ("Je n'avais étudié ni à Harvard ni à Princeton, ni dans aucune autre des prestigieuses universités privées de l'Ivy Ligue") sous couvert de bannière libertaire ("Tout ce dont j'étais sûr, c'était que je méprisais le monde bourgeois"), qui constitue davantage une affirmation de principe qu'une vision politique ou une conscience de classe. Car il refuse de rester dans la condition ouvrière ("L'idée de rester un clampin anonyme me terrifiait").

Face à une réalité insatisfaisante et un comportement qui ressortit à la stratégie de l'échec, tiraillé entre des éclairs de lucidité sur sa fainéantise et ses capacités ("C'est pas évident de réussir dans la vie quand on est bon à rien"), la culpabilité et l'excuse absolutoire de la fatalité, la faute des autres vient à la rescousse, la faute de la naissance, de la société et de Dieu ("Moi, maudit depuis le jour de ma naissance, je maudissais Dieu, le monde et toutes choses").

L'écriture de Mark Safranko est toujours d'un efficace naturalisme pulp mais si le premier tome, une vraie pépite dont la lecture préalable s'avère indispensable pour comprendre la personnalité du personnage, appelait la compassion sur le sort du jeune garçon dont l'histoire épinglait l'American way of life, "Travaux forcés", qui suit un sillon creusé jusqu'à l'exsanguinité depuis Bukowski, peine à accrocher pleinement l'attention sur l'énième dérive adulescente d'un archétypal "serial-fucker borderline".

Cela étant, le lecteur aura néanmoins envie de connaître la suite des aventures de celui qui, dès la deuxième page, fait, en quelque sorte, amende honorable en écrivant : "J'étais con".

 

A lire aussi sur Froggy's Delight :
La chronique de "Dieu bénisse l'Amérique" du même auteur


MM         
deco
Nouveau Actualités Voir aussi Contact
deco
decodeco
# 14 avril 2024 : En avril, de la culture tu suivras le fil

Un peu de soleil, des oiseaux qui chantent, le calme avant la tempête olympique. En attendant, cultivons-nous plutôt que de sauter dans la Seine. Pensez à nous soutenir en suivant nos réseaux sociaux et nos chaines Youtube et Twitch.

Du côté de la musique :

"Kit de survie en milieu hostile" de Betrand Betsch
"Let the monster fall" de Thomas de Pourquery
"Etat sauvage" de Chaton Laveur
"Embers of protest" de Burning Heads
"Sin miedo" de Chu Chi Cha
"Louis Beydts : Mélodies & songs" de Cyrille Dubois & Tristan Raës
"Arnold Schönberg : Pierrot lunaire" de Jessica Martin Maresco, Ensemble Op.Cit & Guillaume Bourgogne
"C'est pas Blanche-neige ni Cendrillon" de Madame Robert
"Brothers and sisters" de Michelle David & True Tones
"Prokofiev" de Nikita Mndoyants
"Alas" de Patrick Langot, Alexis Cardenas, Orchestre de Lutetia & Alejandro Sandler
"Symptom of decline" de The Black Enderkid
"Tigers blood" de Waxahatchee
"Not good enough" de Wizard
et toujours :
"Le carnajazz des animaux" de Dal Sasso Big Band"
"Deep in denial" de Down To The Wire
"Eden beach club" de Laurent Bardainne & Tigre d'Eau Douce
"Ailleurs" de Lucie Folch
"Ultrasound" de Palace
quelques clips en vrac : Pales, Sweet Needles, Soviet Suprem, Mazingo
"Songez" de Sophie Cantier
"Bella faccia" de Terestesa
"Session de rattrapage #5", 26eme épisode de notre podcast Le Morceau Cach

Au théâtre

les nouveautés :
"Tant que nos coeurs flamboient" au Théâtre Essaïon
Notes de départs" au Théâtre Poche Montparnasse
"Les chatouilles" au Théâtre de l'Atelier
et toujours :
"Come Bach" au Théâtre Le Lucernaire
"Enfance" au Théâtre Poche Montparnasse
"Lîle des esclaves" au Théâtre Le Lucernaire
"La forme des choses" au Théâtre La Flèche
"Partie" au Théâtre Silvia Monfort
"Punk.e.s" Au Théâtre La Scala
"Hedwig and the angry inch" au théâtre La Scala
"Je voudrais pas crever avant d'avoir connu" au Théâtre Essaïon
"Les crabes" au Théâtre La Scala
"Gosse de riche" au Théâtre Athénée Louis Jouvet
"L'abolition des privilèges" au Théâtre 13
"Lisbeth's" au Théâtre de la Manufacture des Abbesses
"Music hall Colette" au Théâtre Tristan Bernard
"Pauline & Carton" au Théâtre La Scala
"Rebota rebota y en tu cara explota" au Théâtre de la Bastille
"Une vie" au Théâtre Le Guichet Montparnasse
"Le papier peint jaune" au Théâtre de La Reine Blanche
des reprises :
"Macbeth" au Théâtre Essaion
"Le chef d'oeuvre inconnu" au Théâtre Essaion
"Darius" au Théâtre Le Lucernaire
"Rimbaud cavalcades" au Théâtre Essaion
"La peur" au Théâtre La Scala

Une exposition à la Halle Saint Pierre : "L'esprit Singulier"

Du cinéma avec :

"Amal" de Jawad Rhalib
"L'île" de Damien Manivel
zt toujours :
"Le naméssime" de Xavier Bélony Mussel
"Yurt" de Nehir Tuna
"Le squelette de Madame Morales" de Rogelio A. Gonzalez

et toujours :
"L'innondation" de Igor Miniaev
"Laissez-moi" de Maxime Rappaz
"Le jeu de la Reine" de Karim Ainouz
"El Bola" de Achero Manas qui ressort en salle
"Blue giant" de Yuzuru Tachikawa
"Alice (1988)" de Jan Svankmajer
 "Universal Theory" de Timm Kroger
"Elaha" de Milena Aboyan

Lecture avec :

"L'origine des larmes" de Jean-Paul Dubois
"Mort d'un libraire" de Alice Slater
"Mykonos" de Olga Duhamel-Noyer
et toujours :
"Des gens drôles" de Lucile Commeaux, Adrien Dénouette, Quentin Mével, Guillaume Orignac & Théo Ribeton
"L'empire britanique en guerre" de Benoît Rondeau
"La république des imposteurs" de Eric Branca
"L'absence selon Camille" de Benjamin Fogel
"Sub Pop, des losers à la conquête du monde" de Jonathan Lopez
"Au nord de la frontière" de R.J. Ellory
"Anna 0" de Matthew Blake
"La sainte paix" de André Marois
"Récifs" de Romesh Gunesekera

Et toute la semaine des émissions en direct et en replay sur notre chaine TWITCH

Bonne lecture, bonne culture, et à la semaine prochaine.

Les 4 derniers journaux
- 14 avril 2024 : En avril, de la culture tu suivras le fil
- 07 avril 2024 :Un marathon de nouveautés !
- 01 avril 2024 : Mieux vaut en rire !
- 24 mars 2024 : Enfin le printemps !
           
twitch.com/froggysdelight | www.tasteofindie.com   bleu rouge vert métal
 
© froggy's delight 2008
Recherche Avancée Fermer la fenêtre
Rechercher
par mots clés :
Titres  Chroniques
  0 résultat(s) trouvé(s)

Album=Concert=Interview=Oldies but Goodies= Livre=Dossier=Spectacle=Film=