Interview de Dan
Auerbach (guitare, chant) réalisée le 8 novembre
2004 entre deux enregistrements télé pour L’Album
de la Semaine de Canal + dans le Studio 104. Après avoir
joué à la Cigale le 5 novembre, le groupe était
parti pour Bordeaux, revenu à Paris pour une journée
promo et télé et repartait le lendemain pour Bilbao
et Marseille...
Apparement, vous avez une dure journée tous les deux ?
Dan Auerbach : Une dure semaine.
Tu y arrives ?
Dan Auerbach : Je suis fatigué. Ca fait
deux nuits où je ne dors que 4 heures, pareil ce soir, et
on enchaîne sur 4 concerts. Aujourd’hui, on a du faire
10 chansons trois fois de suite, on a même pas le temps de
s’arrêter pour manger ou dormir... Mon diner, ca sera
ces cacahuètes...
Vous vous amusez encore ou c’est trop ?
Dan Auerbach : J’essaye, mais c’est
beaucoup de boulot.
Quand rentrez-vous à la maison ?
Dan Auerbach : Ca fait longtemps que je n’ai
pas été chez moi. Et la tournée va continuer
jusqu’en avril. Sans qu’on ait un vrai break de plusieurs
semaines.
C’est la première fois que vous venez
en Europe ?
Dan Auerbach : C’est la première vraie
tournée. On était venu faire des interviews à
Paris il y a un an.
Le groupe devient vraiment énorme en Europe.
Vous vous attendiez à ca ?
Dan Auerbach : Je ne m’attendais à
rien. Je ne m’attendais même pas à être
capable de payer mon loyer. Toute cette histoire laisse une grande
part de chance. Je m’en félicite.
La semaine dernière vous avez joué
au Festival des Inrockuptibles. Ca s’est passé comment
?
Dan Auerbach : C’était bien, très
bien. Le public en délire...
Je trouvais le choix des groupes ce soir-là
un peu étrange ; vous faire jouer avant les Libertines et
Miossec...
Dan Auerbach : Les Libertines sont plus connus
que nous, c’est sûr.
Ils sont très branchés. On parle
beaucoup d’eux, de leurs histoires de drogue. Votre groupe,
au contraire, est un groupe de musique, exclusivement, ce n’est
pas un groupe branché.
Dan Auerbach : On n’est pas branchés.
Notre hisoire à nous, c’est : pas d’histoire.
On enregistre, seuls. On aime ca, on aime jouer. Moi, j’aime
être à la maison, aller promener mon chien. Je n’aime
pas les fêtes, je n’aime pas boire, je n’aime
pas les interviews, je n’aime pas toute cette merde. Je porte
le même jean depuis un mois.
Tu es musicien. Mais les Inrockuptibles, c’est
un journal très branché et un festival très
branché ; pourquoi penses-tu qu’ils ont adopté
les Black Keys ? Ils se disent : c’est le prochain gros truc
?
Dan Auerbach : Je ne sais pas. Ils ont été
bien gentils de nous demander de passer. Ils ont été
parmi les premiers à nous interviewer en France. Tant mieux.
Le prochain gros truc... je n’en sais rien, on ne pense pas
à ca.
Ils avaient fait pareil pour les Strokes, avec
leur premier cd : « Les Strokes sont le meilleur groupe de
rock’n’roll au monde ». Comme si ils voulaient
toujours pouvoir dire : on les a vu les premiers !
Dan Auerbach : Le NME en Angleterre fait pareil.
Ils font ca pour tous les groupes et si un des groupes marche, ils
disent « Vous voyez ! On le savait ! ».
Ca te pose un problème ?
Dan Auerbach : En fait, je crois qu’on fait
des bons disques ; il n’y a aucune raison qu’on déconne.
Impossible. On enregistre notre musique. Ca fait dix ans qu’on
joue ensemble. Rien n’a changé.
Tu ne ressens pas la pression
?
Dan Auerbach : Aucune pression. On n’habite
pas à New York ni à Paris ou à Londres, on
n’en a rien à foutre du look, des gonzesses et toute
cette merde. Ca ne fait pas partie de notre monde. J’aime
la musique. J’ai entendu Johana Newson l’autre soir
au festival. Elle joue de la harpe. Elle est incroyable. Ca a été
le meilleur moment de notre tournée, pouvoir enfin écouter
de la musique.
On ne va pas parler des White Stripes, OK ?
Dan Auerbach : Cool.
La comparaison entre les deux groupes est un peu
légère, simplement le fait qu’il n’y ait
qu’une guitare et une batterie. Je vois d’autres connexions
avec d’autres groupes, par exemple, le John Spencer Blues
Explosion ?
Dan Auerbach : J’adore l’album Orange
mais je ne suis pas un super fan.
Est-ce que c’est une influence ?
Dan Auerbach: Peut-être. Peut-être
le feeling de Orange, la batterie,
les guitares simples, la base de blues.
Ils partent du blues et le font exploser. Vous
faites un peu pareil, vous avez de solides références
blues mais vous faites votre truc.
Dan Auerbach : Oui on fait notre truc. On ne fait
pas de cinéma. J’aime
écrire mes chansons, le plus souvent très personnelles,
rarement drôles.
La production, le son de Rubber Factory est très
pur. Combien y-a-til de pistes de guitare par chanson ?
Dan Auerbach : Sur certaines, une seule ; le maximum,
ca doit être quatre.
Le son est peu trafiqué, les guitares ont
l’air de sortir directement de l’ampli.
Dan Auerbach : La plupart du
temps, oui.
En concert, il n’y a qu’une seule
guitare, comment faites-vous pour reproduite l’album ?
Dan Auerbach : Pour nous, les concerts et les
disques sont deux choses complètement différentes.
Quand on enregistre, on ne veut pas s’embêter à
savoir si on pourra le refaire en concert, on fait ce qui nous plait,
on fait des over-dubs, on met des pistes de basse. On s’en
fout du moement que ca sonne. Mais en concert, je joue de la guitare,
Pat de la batterie et on adapte.
Il y a des titres de l’album que vous ne
jouez pas sur scène.
Dan Auerbach : Les concerts les plus décevants
que j’ai vu sont ceux qui refont note pour note l’album.
C’est pénible.
Une des influences qu’ on voit apparaître
dans les articles à votre sujet est Jimi Hendrix. Ca va chercher
un peu loin non ? Il y a bien un solo de guitare à l’envers
dans un des titres...
Dan Auerbach : Ca, c’était plus influencé
par les Beatles. Je n’ai plus écouté de Hendrix
depuis très longtemps. Je suis plus influencé par
des gens comme Junior Kimborough, Robert Ward, Son House...
John Lee Hooker ?
Dan Auerbach : Bien sur et Lightning Hopkins, j’écoute
beaucoup ses premiers albums électriques... Elmore James,
Hound Dog Taylor...
Hound Dog Taylor, c’était batterie
et guitare, non ?
Dan Auerbach : Deux guitares : Brewer Phillips à
la Telecaster et Ted Harvey à la batterie. Et le vrai nom
de Hound Dog, c’était Theodore Roosevelt Taylor.
Captain Beefheart ?
Dan Auerbach : Je m’y suis mis il n’y
a pas longtemps mais j’ame de plus en plus. Je n’ai
pas encore osé Trout Mask Repliqua.
C’est un chanteur de blues au départ
puis il s’est mis à délirer.
Dan Auerbach: J’adore ca, j’adore Safe
As Milk, Mirror Man Session et le coffret de 5 cd chez Revenant
Records : le premier cd, ce sont des accetates et des demos de titres
qui ont fini sur Safe As Milk et Mirror Man Session, les chansons
sont géniales. Le deuxième cd est live en 1968 au
Fillmore avec un groupe de blues et il fait des reprises de Howlin
Wolf. J’adore ca. Ils ont fait des arrangement complètement
délirants mais au début ca avait des racines très
blues.
Tu aimes aussi la musique psyché ?
Dan Auerbach : Un peu, j’aime le 13th Floor
Elevator, ce genre de truc.
Un autre groupe qui se contente de guitare et
batterie, c’est Jonathan Richman en concert, depuis plusieurs
années. Je crois qu’il ne veut qu’un seul instrument
mélodique pour pouvoir changer de tonalité,ou de morceaux
sans que les autres aient du mal à suivre, pour avoir plus
de souplesse pour improviser. Est-ce une raison pour vous aussi,
l’improvisation ?
Dan Auerbach : Quand on a commencé, on ne
pensait pas aux concerts. On faisait pas pour rigoler, et pour enregistrer.
On n’a pas fait de concerts avant que le premier disque sorte.
Vous n’avez jamais cherché d’autres
musiciens ?
Dan Auerbach : Pas vraiment. On a joué pendant
un moment avec un ami, qui jouait du synthé Moog, il faisait
des parties de basse, qu’on lui dictait. Il est sur le premier
disque. Mais il n’apportait pas grand chose, il ne savait
pas improviser.
Vous improvisez sur scène ?
Dan Auerbach : Oui, on essaye. Plus on joue les
titres, plus ils changent. C’est ce qui est le mieux dans
les concerts.
Fat Possum, c’est le label que vous vouliez
?
Dan Auerbach : J’aime bien ce label mais
je ne suis pas sur que c’est ce qu’il nous fallait.
C’est un label de blues.
Mais pas de blues de base...
Dan Auerbach : C’est vrai mais on ne voulait
pas être rangé dans cette case. Même si j’adore
des tas de bluesmen il y a quand même pas mal de disques de
blues que je déteste.
Tu es satisfait du label quand même ?
Dan Auerbach : Oui, ca a marché, on est
content.
New York a son Anti-Folk, est-ce que vous faites
de l’Anti-Blues ?
Dan Auerbach: Peut-être. On est vraiment
pas Pro-Blues en tout cas. J’adore le blues, Pat, pas vraiment.
C’est la base de notre musique. Mais le mot Blues ne définit
pas ce que nous faisons.
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