Comme souvent, tout commence par une passion : l’écriture. Par un beau jour (ou une belle nuit), Andoni Iturrioz veut donner une nouvelle dimension à sa plume, son bic, son graphite, son clavier… et comme il est nul en dessin, il apprend la guitare. Bien lui en a pris, les illustrations musicales trouvent un autre public : la scène, sous le nom Je rigole. Le temps ne compte pas en poésie, c’est pourquoi je ne me perdrais pas en calculs pour vous dire depuis combien de temps cet album grandit, il est là (enfin) Qui chante le matin est peut-être un oiseau.
Le nom est à rallonge, certes, mais la signification toute ésopienne du titre laisse présager un grand bain aux métaphores moussantes. Andoni Iturrioz s’est entouré de musiciens : Christelle Florence, Xian lindenmeyer et Jean-Brice Godet. A sa guitare s’ajoutent de la contrebasse, de la clarinette, des bidules, et du machin qui ressemble à un tronc d’arbre creux dans laquelle le souffle devient un grand douidouidouidoui (désolé, j’ai oublié le nom)… ah si, ça me revient didjezido, non… didjéribou… non... diddledoudou… oh et puis zut, ce truc là, tu sais bien, le mec avec dix milles piercing qui fait des démos sur la plage de Canet tous les soirs après 22 heures, et ben c’est le même ! Voilà !
Bref, après une moue perplexe devant la pochette, du genre "à quelle sauce mes oreilles vont-elles être marinées ?", parce que le visage du bambin façon je-boude-en-maternelle-et-je-suis-trop-craquant-parce-que-tout-le-monde-sait-que-je-vais-sourire-avec-tout-mon-visage-dans-deux-secondes, le nom Je rigole juste au-dessus de la photo, et le titre poétique au-dessous ne laissent qu’une seule interprétation possible : cool. Oui mais cool est souvent associée à reggae et compagnie…
Et je m’étais bien évidemment plantée, pas sur le côté joyeux et plein d’espoir, mais sur le style ! Il s’agit ici de chanson française que certains jugeront expérimentale. Que je trouve pour ma part fort éloignée de mon professeur de sciences expérimentales.
Dans cette ambiance clair-obscur de contrebasse et clarinette (et dioudioutruc), les textes ont la première place, des poésies désabusées "Crève la France" ("oui on est fier de nos monuments, ils ont échappé à quelques guerres, en échange de quelques enfants, on s’est fait de jolis cimetières, on est là assis sur le flanc, donneur de leçons et cache misère, à coup d’histoires de résistants, […] mais la jeunesse a mal aux rêves", "L’innocence c’est l’inconscience du mal qu’on fait").
De la poésie sur les phénomènes sociaux, où le virtuel bouffeur d’imaginaire rend les âmes aveugles ("Il m’arrive de me demander à quoi ressemblent les rêves d’aveugles"). De la poésie émerveillée ("Tout à coup" : "On se coup de boule d’émerveillement, le fusible c’est mon cœur, la vie boomerang à la lune et la plante dans mon ventre").
De la poésie où comme "A l’ancienne", c’était mieux avant (sauf qu’avant on se fichait des pingouins), j’ai des envies de transcrire l’intégralité des paroles, mais je me contenterai d’un extrait, tellement le titre entier se situe en drôlerie et gravité. C’était mieux avant quand on jetait des bombes polluantes sur les gens pour s’en débarrasser, quand on se foutait des étiquettes à l’huile de palme et au paraben, oui mais, "je me demande si ces bombes qu’on jette sur les enfants, c’est bon pour le réchauffement climatique" et "noyade pour ceux qui n’ont pas de bedaine".
Oui, je sais, c’est facile d’imprimer une série d’étiquettes "poésie" et de la coller partout, mais parfois c’est le cas, quand des artistes sont capables de phraser avec des fleurs, au son de jazz-folk libre. |