À quoi bon, en cette deuxième décennie du vingt et unième siècle bien entamée, reproduire les anciens schémas de l'industrie du disque ? Elle est moribonde, on nous l'a assez dit. Une certaine idéologie dominante nous a fait croire que l'album était la seule unité valable. Que la maison de disque était le seul gage de qualité fiable. Qu'il fallait des chansons que les médias diffusent. Avec leur durée règlementaire, leurs couplets et refrains. Avec quelque chose d'entraînant. Des paroles faciles, que l'on comprend. Un univers positif. On nous a fait croire que la musique devait nous soulager. À quoi bon ?
Thibault Rivrain n'en a que faire. Il fait partie d'une génération perdue de jeunes musiciens perdus. A qui l'industrie du disque n'aurait rien à promettre, même s'ils étaient prêts à lui vendre leur âme. L'indifférence d'une certaine maturité, la maturité d'une certaine indifférence. Et la seule façon de survivre dans ce monde de la musique qui n'a plus rien à offrir aux hommes et femmes qui font la musique ?
Trentenaire et perdu pour tout ce qui est le monde de la musique – sauf la musique elle-même.
Snow Gold est son deuxième EP. Pas d'album. Pas même de disque, la diffusion numérique semble suffire. Et elle suffit, car l'essentiel n'est pas la matière. C'est la musique. L'univers qu'elle déploie. Ce chant, entêtant, irréel, ces mélodies hypnotiques. Les richesses minuscules de cet anti-artisanat abstrait, de ce non-objet peaufiné jusqu'au plus infime silence.
Disons-le sans ambages : avec sa fausse simplicité, sa fragilité, sa délicatesse, avec l'intelligence de la concision de deux titres, là où d'autres se seraient cru forcés de forcer le trait pour respecter un format plus long, Snow Gold est tout simplement l'une des meilleures promesses qui nous ait été faites depuis longtemps.
On se souvient, en vrac, des débuts de Jullian Fane, de Ben Christophes, d'un Radiohead revenu du grand public, du Piano Magic le plus abstrait, de Porcelain, du Melatonine des Environnements Principaux, d'un Cascadeur passé dans les ténèbres, de Scott Walker, d'Evangelista ou de Carla Bozulich... On voit l'univers de gueules sombres dans lequel le jeune français évolue.
Un coup de maître souterrain, tout simplement. L'excellence n'a pas besoin de reconnaissance. |