N'ayons pas la fine bouche, à une époque où la scène lilloise ne pense qu'à vendre son cul au plus offrant, et à se regarder dans le miroir, ce disque rassure, fait du bien.
Derrière ce nom adéquat (qui envoie le bois au sens propre et figuré) se cachent Léo Prud'Homme, shouter de feu à l'haleine de verre (Red), André Rubeillon, stoner aux riffs stoniens (Moon Palace) et Pierre Marolleau, lourde machine à battre (Fordamage).
Avant d'atteindre le sommet de la pyramide sonique, le power trio était déjà responsable du grand From Speaking Parts To Blazing Rows, ode folk aux arrangements impeccables sous le nom Léo(88Man) avec des influences lorgnant du côté de Bill Callahan, Tom Waits et autre Lambchop. Néanmoins, la configuration sur scène a toujours été dépouillée et primitive, autant en solo qu'en groupe.
Ce qui devait arriver, arriva alors, et c'est en redécouvrant certains disques de Pil, de Pavement ou de Neu ! que le groupe se remet à composer en décidant de prendre une nouvelle tournure, et donc, de donner au rock'n'roll ses lettres de noblesses, tout en gravant profondément, les noms de la pathétique concurrence locale, dans le marbre. Ce disque, à la confluence du blues et du math rock, est incroyablement puissant, si bien qu'il a la prétention d'aller faire un tour du côté du Beck-Ola pour lui soumettre un énorme fuck en pleine tronche. La bête est enregistrée live dans une ferme en Bretagne.
La voix caverneuse, toute droite sortie des tripes du coyote est l'oeil du cyclone, Léo Prud'Homme y gerbe littéralement sa cave grâce à des paroles intelligentes pleines d'ironie non feinte ("Step Back"). Pendant ce temps, Dudy Ruby est plus aventureux que jamais, le solo de "Stuck In A Flat" avec ses fausses allures de bossa nova est un must. Pierre Marrolleau est loin d'être en reste, et s'affirme comme étant mi-humain/mi-batterie, lui qui, arrivé sur le tard, a tant apporté avec son groove quasi progressif, et déclenche des cataclysmes bruitistes sur une fin de morceau comme "Every Nobody", sans pour autant oublier son incomparable finesse au vestiaire, tant la rythmique est impeccable sur le magique "Twisted".
Fat Supper s'inscrit alors dans une lignée d'artistes français prônant la révolution musicale underground à l'instar de Arlt, The Enchanted Wood, Angil, La Terre Tremble !!! ou encore Pneu et bénéficie d'un répertoire riche mêlant avec brio différent styles (Heavy / Psyché / Folk) pourtant difficiles, qu'il est impossible de résumer en dehors de ces cinq lettres : C.U.L.T.E.
On ne peut alors dire que ce groupe soit un bon groupe car la majorité des bons groupes n'ont pas composé des perles aussi exceptionnelles que "Knowledge And Feeling" ou encore "Basement" (qui est d'ailleurs une version heavy du même "Basement" disponible sur Million Silly Answer, premier chef-d'oeuvre de Léo(88man) sorti chez Ohayo Records) ou ce putain de "Twisted" (mon petit doigt me dit que Jack White en pleure de jalousie)... s'il ne fallait citer qu'elles. Non, Fat Supper n'est pas un bon groupe car ce groupe défiera le temps et le considérer comme simplement bon serait une insulte à la musique elle-même !
En prime, pour les cancres du fond qui n'auraient toujours pas suivi l'affaire, deux clips sont déjà disponibles : le premier, "Gravity None" par Coxypy et le second, "Step Back", plus récent, par le génial Guillaume Deraedt (à qui l'on doit l'incroyable dernier clip de Jullian Angel, "Saved By The Monster"), qui mélange des images des dessins animés Cobra et Tom Sawyer de manière parfaitement ludique.
Ce premier effort, sous ce nouveau nom, est d'ores et déjà un évènement marquant de cette année. Si le rock est une religion, voilà enfin son ultime croisade. |