Comédie dramatique de Gérald Aubert, mise en scène de Bruno Bernardin et François Bourcier, avec Isabelle Rougerie, Jean David Stepler et Hervé Masquelier.
"Chambre 108" n'est pas une chambre d'hôtel pour frasque galante et comédie de boulevard avec le fameux trio du vaudeville mais une chambre d'hôpital. Moins drôle bien évidemment.
Encore que, hors de tout pathos naturaliste et toujours sur le fil de la comédie dramatique, Gérald Aubert titille la veine humoristique.
En effet, il signe une comédie épatante, spirituelle et presque philosophique comme une ode à la vie, et cependant empreinte de réalisme, qui aborde les sujets les plus redoutables, la solitude, la maladie, la vieillesse et la mort, avec beaucoup de justesse, de sensibilité et d'humour, l'humour noir rivalisant avec l'humour allénien, dans laquelle les personnages naviguent à vue entre autodérision et désenchantement.
Une comédie avec une vraie intrigue théâtrale qui repose sur la rencontre et la confrontation de deux personnages que tout oppose et qui vont devoir partager le même espace "vital" : un vieux grigou bougon, qui élirait bien domicile à l'hôpital pour échapper à la solitude du retraité d'autant qu'il y a du mouvement avec la succession des voisins de lit, et surtout logorrhéique et un quadra inquiet fauché au bel âge par une suspicion de cancer.
Entre les deux, joignant le geste médical à l'oreille de la confidente, une sympathique infirmière fait à la fois officie d'arbitre et de substitut maternel pour ces hommes fragilisés.
Pas d'esbroufe dans la mise en scène de Bruno Bernardin et François Bourcier mais une direction d'acteur serrée pour éviter tout numéro d'acteur. Et l'interprétation n'appelle donc aucune critique.
Isabelle Rougerie campe parfaitement l'infirmière qui sait dédramatiser sans infantiliser et qui, pleine d'empathie malgré son professionnalisme, y laisse parfois, peut-être même à chaque fois, des plumes.
Le jeu de Jean-David Stepler est également remarquable pour restituer le malaise existentiel qui assaille le malade déstabilisé, quasiment en rupture avec le réel, focalisé sur sa petite personne, obnubilé par un diagnostic pressenti comme grave et pessimiste au point d'avoir choisi pour livre de chevet "Le pavillon des cancéreux" de Alexandre Soljenitsyne.
Quant à Hervé Masquelier, il se taille la part du lion avec une partition ciselée qui cerne de manière éloquente la solitude du retraité qui ne parvient pas à remplir le vide de journées scandée par le rythme des repas devenus son unique plaisir.
Il apporte beaucoup de nuances de jeu au personnage de vieux misanthrope qui, sous couvert d'une sénilité affichée, instrumentalise son entourage, ce qui ne l'empêche pas d'être facétieux et d'agir presque à l'insu de son plein gré de manière compassionnelle.
Un spectacle à voir absolument. Et sa programmation au Théâtre des Deux Rives à Charenton-le-Pont ne constitue pas une excuse absolutoire puisqu'il est desservi par une ligne de métro directe depuis Opéra. |