Spectacle seul d'après le roman éponyme de John Fante interprété par Bruno Conan dans une mise en scène de Pierre K.
Tous deux formés au Cours Jean-Laurent Cochet, Bruno Conan, au jeu, et Pierre K, à la mise en scène, proposent un spectacle d'autant plus réussi qu'il consiste en une adaptation pour la scène d'un texte littéraire, exercice toujours périlleux, et, qui plus, est d'un roman qui inclut un récit factuel, les soliloques du narrateur et des séquences dialogales.
En effet, leur choix s'est porté sur "Full of life" de l'écrivain américain John Fante, auteur devenu culte considéré comme un des précurseurs de la contre culture, roman autofictionnel en forme de success story parfois bien éloigné de la réalité telle qu'elle fut et sera restituée par son fils Dan Fante dans "Dommages collatéraux".
Dans ce roman des jours heureux des années 40, illustration du rêve américain aux accents de comédie à l'italienne, le narrateur, fils d'immigés italiens de deuxième génération, narre une période de grâce, celle de la réussite et de la reconnaissance professionnelle, avec la publication de ses romans, de l'aisance financière, avec l'écriture de scénarios pour les studios hollywoodiens, qui lui permet d'acheter la grande maison symbole d'ascension sociale, et du bonheur du jeune marié amoureux et aimé de son épouse qui attend leur premier enfant, un fils qui assurera la perpétuation du nom.
S'inspirant de la construction du roman pour trouver une troisième voie entre la staticité du monologue et le numéro d'acteur, Pierre K a conçu une scénographie judicieuse et une mise en scène futée.
Ainsi quelques éléments de décor, dont l'incontournable et emblématique machine à écrire mécanique, ponctuent plusieurs espaces de jeu, des voix-off, celle de la délicieuse Delphine Depardieu pour l'épouse et de l'inénarrable Popeck pour le médecin mille fois sollicité pendant la grossesse, donnent la réplique à l'officiant et une bande-son éclectique, de Lully aux Rolling Stones en passant par "Bella Ciao" le chant des partisans communistes italiens et Paolo Conte, intervient de manière bienevnue tant comme bulles musicales que bienvenus intermèdes.
Comédien qui apprécie le difficile exercice en solitaire de la traversée littéraire dans laquelle le comédien se fait pilote pour le spectateur, Bruno Conan se frotte avec bonne fortune à l'art du conteur.
Sans artifice, avec une belle générosité et la voix grave et voilée du fumeur, il ravit l'attention du spectateur avec cette ode au bonheur et à la famille.
Et il navigue avec aisance dans les différents registres de jeu pour narrer les épisodes cocasses et restituer la truculence de personnages saisissants, notamment celle du père, le patriarche omnipotent, le "rital" grande gueule imbibée de chianti et patriarche omnipotent comme pour incarner la tendresse amoureuse et l'émotion touchante du père quand paraît l'enfant, promesse d'un avenir heureux.
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