Pour la quatrième année consécutive, à l’occasion du Printemps des Poètes, l’association du même nom propose le concours Andrée Chedid du poème chanté. En clair, ça consiste à mettre un poème en chanson, poser sa participation et être élu par un jury (présidé cette année par un membre des Têtes Raides). Cette année, Peïo remporte le précieux sésame, avec "L’Attrape Rêves" de Michel Butor.
Dans la foulée, il sort L’ombre et la lumière, neuf titres guitare-voix-frenchy. Il rentre directement dans ma catégorie des chanteurs romantico-poétiques, ceux qui nomment l’amour "Rose", qui débutent leur prose de froufrous, qui expriment leurs blessures… simplement parce qu’ils créent avant tout pour eux-mêmes, pour comprendre le pourquoi du comment en passant par l’introspection. Et Peïo en est, dans toute sa fragilité et à pas de loup : "Un homme aux pieds d’argile", "un arbre sans racine".
Bon, franchement, il ne vous fera pas vous trémousser dans le salon, ni sourire aux feux rouges. Mais si vous avez encore un peu de bonté aux creux des mains, Peïo vous touchera par une sensibilité toute personnelle. Parce que s’il se contentait de parler de la fleur fanée, de la recherche de sa voix et de ses racines ("D’où je viens"), et bien nous le qualifierons certainement de narcissique, alors qu’il sait lever les yeux et regarder autour de lui.
Ce qu’il voit n’est pas du plus joyeux, mais il a un certain talent de raconteur qui ne laisse pas indifférent. La plus troublante est celle de ce jeune adulte parti accomplir son rêve dans le monde occidental, les frontières, les dollars des vieillards de son village désargenté, les convois, puis le bord de la péninsule, la dernière virgule, le zodiac, les pieds liés dans l’eau glacée ("j’ai laissé ma peau noire sur la grève De Gibraltar").
De la belle poésie mélancolique, une voix sans sophistication, des guitares et une mandoline pour la légèreté, quelques jolies mélodies et de l’entrain, un bon moment entre douceur et réflexions sur la suite, l’après, le pourquoi, la fin ?
"J’ai vu des hommes sans haine écraser des fleurs sauvages, chacun dans la nature sauvage cherche infiniment sa voix, on ne fait qu’un seul passage et l’on n’a pas le choix".
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