Quand un scientifique, chercheur en sciences oncologiques devenu chef d'un laboratoire hospitalier de biochimie, de surcroît spécialiste des mécanismes de mort cellulaire, prend la plume qu'il trempe dans l'encre noire du thriller, cela donne "Hipnofonia" de Salvador Macip.

D'une part, ce roman époustouflant, aussi intrigant qu'excitant, et habilement construit, décline habilement des thématiques classiques du genre.

D'autre part, sa construction kaléidoscopique à partir du point de vue de différents narrateurs qui, toutefois, ne se superposent pas chronologiquement tout en s'inscrivant dans la linéarité temporelle, maintient à son acmé la tension et le suspense tout en se concluant par un inattendu anti-dénouement.

Tout commence par un étrange patient maintenu en état de vie artificielle qui semble victime du Locked In Syndrôme mais qui manifeste des signes cliniques d'une pathologie aussi inconnue que, semble-t-il redoutable.

Car cet homme est le seul rescapé d'un assassinat de masse où toutes les victimes se sont consumées de l'intérieur. Le spectre de la secte et la crainte du bioterrorisme justifie la qualification d'affaire relevant de la Sécurité nationale et la mise à l'isolement du "survivant" dans un bunker sous la garde conjointe d'un neurologue spécialisé dans les troubles du sommeil et d'un haut gradé de l'armée.

Avec la disparition inexpliquée du médecin, l'enquête d'un journaliste, "le Van Helsing des gourous et des escrocs sans scrupules", qui le mène sur le territoire de Lovecraft, la mort mystérieuse de personnes insomniaques, Salvador Macip joue au Petit Poucet pour distiller avec parcimonie les indices et maîtrise le foreshadowing qui désarçonnera même le lecteur aguerri de thrillers en sollicitant sans ménagement ses petites cellules grises.

Sa prouesse tient à son art du récit qui propose une hybridation totalement maîtrisée de thématiques classiques - dont la théorie du complot, la quête de l'immortalité pour vaincre l'angoisse de la mort, les conséquences dommageables de la vulgarisation scientifique, la tentation démiurgique du scientifique, la manipulation mentale et la mégalomanie du justicier - placées sous l'égide du dualisme manichéen qu'est l'éternel combat du Bien et du Mal.

Mais brisons là car c'est déjà trop d'indices qui pourrraient gâcher le plaisir d'une lecture sous haute tension.