Avec son nouvel album, Square Ouh la la, l'intriguante Léonore Boulanger semble revendiquer de vouloir opérer en musique un travail intellectuel semblable, peut-être, à celui opéré par Kandinsky en peinture aux commencements du siècle pictural précédent : un passage à l'abstraction.
Mais derrière ce vernis intellectuel qui pourrait passer pour prétentieux à qui est réfractaire aux idées, il y a, surtout, trente sept minutes de musique délicieuse, aussi évocatrice qu'imprécise. Imprécations floues et symboliques divagations se télescopent sur un air de cabaret printanier et cherchent une autre voie d'accès à l'émotion que celle du sens, c'est-à-dire : du discours, du récit, du propos – que l'on cherche à tenir, mais qui nous échappe toujours, finalement. Ici, on lâche la barre, rassurante et on se laisse dériver.
Le résultat n'est peut-être pas si éloigné, finalement, de l'esprit du premier Cocorosie, la french touch vaporeuse en plus, et sans le systématisme du dispositif trop conscient de lui-même. Mais il y a derrière tout cela une profondeur que les sœurs Casady n'avaient pas, une capacité étonnante à se projeter ailleurs que dans le réel, sans éprouver le besoin d'en faire jamais trop. La liberté sans l'injonction. Une certaine perfection, du geste tout au moins. |