Comédie dramatique de Sarah Berthiaume, mise en scène Célie Pauthe, avec Dan Artus, Flore Babled, Jean-Louis Coulloc’h et Cathy Min Jung.
Célie Pauthe monte avec sagacité, dans une scénographie qui repose sur le très beau travail de lumières de Joël Hourbeigt, le texte d'une jeune auteure québécoise qui indique vouloir "créer des petites sémiologies, des microcosmes de signifiants poétiques où l'humain est beau même quand il est laid, juste parce qu'il est humain".
La qualité émérite de son travail doit être d'autant souligné que "Yukonstyle" de Sarah Berthiaume, matériau littéraire peut-être, cinématographique sans doute, et sous haute influence, tant au fond pour les thématiques qu'en la forme, du cinéma indépendant américain des années 80, ne ressortit pas au théâtre.
Composée de scènes dialoguées et de monologues narratifs à l'écriture morcelée, poétique pour certains, la pièce relate les destins croisés de quatre personnages aux fins fonds du Yukon, état du Grand Nord du Canada aux vastes espaces sous peuplés et au climat polaire mythifié sous le slogan "Larger than life", mais tout aussi psychotique que l'univers concentrationnaire urbain.
En clair, une japonaise émigrée en quête de reconstruction après la mort tragique de sa soeur (Cathy Min Jung) qui partage son appartement avec un jeune homme en quête d'identité et de figure maternelle (Dan Artus), fils d'un alcoolique en quête de rédemption(Jean-Louis Coulloc’h) et d'une "native" prostituée disparue qui a pu être victime du serial killer d'indiennes, héberge une jeune fille mineure en rupture de ban, enceinte, en fugue ou en cavale (Flore Babled).
La partition de Sarah Berthiaume qui mêle le quotidien erratique de paumés et marginaux, exil pour l'une, road-movie pour l'autre, sur fond de réalité socio-historique, en l'espèce la condition des amérindiens, et le réalisme magique avec une figure totémique, celle du corbeau qui représente l'âme du Yukon, bénéficie d'une mise en scène cinétique - Célie Pauthe devrait faire du cinéma - et d'une interprétation ad hoc.
Mention spéciale à Flore Babled, jeune diplômée du CNSAD, pour sa composition très réaliste de manguette destroy en quête de sa propre humanité. |