Imaginez
un peu Will Oldham invité chez Calexico... vous y êtes
? Un folk coloré western, le tout au ralenti, il ne manque que John Wayne
nonchalament installé sur son cheval, trottant non moins nonchalament
dans le désert sous un soleil de plomb et vous avez tout à fait
la bande son parfaite du western parfait. A savoir ... Welcome to
the red barn de Santa Cruz.
D'ailleurs le nom du groupe aurait pu m'épargner cette mise en situtation
tant l'emballage correspond au contenu.
Un folk rock nonchalant donc, paresseux plutôt que lent, tendu plutôt
que violent, dense et sombre à souhait à l'image de l'excellente
reprise de Smog "River Guard" entêtant à
souhait et qui est pourtant un morceau très dépouillé sur
lequel la (double) voix est écrasante. La voix est en effet un élément
important chez Santa Cruz car elle porte réellement les morceaux et donne
cette coloration américaine à l'album, entre Calvin Russell
et Swell. C'est donc ça Welcome to the Red barn, un gigantesque boeuf auquel se
seraient invités tous ces gens là. Et ce n'est d'ailleurs pas
si loin que cela, car si ici il n'y a ni Swell, ni Will Oldham, c'est en studio
qu'est né ce groupe. Autour de Bruno Green se sont réunis
quelques musiciens qui au fil de quelques sessions d'enregistrements, sans même
de répétition, en très peu de temps, ont donné vie
à ce disque. Et comme si cela ne suffisait pas, Bruno Green a réitéré
avec Laetitia Sheriff, Red (parrain de Santa Cruz), Thomas
Belhom pour 12 titres supplémentaires à paraitre au fil du
temps notamment sur leur site web (Vous pouvez déjà y trouver
une reprise du "After I made love to you" de Bonnie Prince
Billy de toute beauté).
Et comme je ne l'avais pas encore précisé, Santa Cruz n'est pas,
au contraire de Calexico, issu de quelques terres arides et mythiques de l'amérique
lointaine, non, Santa Cruz est estampillé "made in France"
et n'a pas à rougir de la comparaison avec ses alter égo américains.
D'ailleurs les Santa Cruz ne se gênent pas d'avantage pour égratigner,
eux aussi l'Amérique actuelle et George W. en particulier. Il est aussi
question d'alcool ("Alcohol, spirit and wine" et "I
don't drink water" en témoignent) et d'amis disparus (le sublime
"Red with mud"). Le coté Calexico est flagrant sur "Whatever it takes"
irrésistiblement western avec ses slides et sa voix de cowboy qui a (trop)
vécu... tandis que l'influence de l'école Will Oldham est patente
sur "Oh my Lord" par exemple. Mais c'est sur "I
don't Drink Water", que l'album se termine ...presque. Un morceau
essentiellement clavier/voix agrémenté de quelques arrangements
vocaux et musicaux dans la plus pure tradition blues déjanté du
grand Tom Waits qui termine en beauté un disque sur lequel nous
aurions de toute façon beaucoup de mal à mettre en avant telle
ou telle chanson tant elles sont toutes à leur place. Néanmoins,
je mettrais sans doute "Red with mud" sur ma compil des indispensables
de l'année 2003.
A noter également un clin d'oeil en fin de disque avec une reprise du
"I wanna be your dog" des Stooges dans une version assez
curieuse et originale (on croirait que le micro n'était pas du même
coté de la porte que les musiciens, comme pour signifier une certaine
pudeur et modestie à reprendre ce titre à leur compte) qui prend
à contrepied les nombreuses reprises souvent poussives de ce titre (je
pense notamment à une des plus récentes d'une demoiselle pleine
de coccinelles).
Du fait de cette génèse en studio, Santa Cruz se définit
lui même comme un collectif plus que comme un groupe à part entière,
avec toute liberté donc de partir vers d'autres horizons selon le capital
humain impliqué dans les enregistrements.
En tout cas, ce coup d'essai plus que convaincant et fort recommandable laisse
présager de beaux jours pour Santa Cruz en particulier et pour le rock
français en général.
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