Les Editions Grasset font paraître dans leur collection "Les Cahiers Rouges", dédiés aux écrits littéraires, un fascicule intitulé "Ecrits sur l'art" dont le signataire n'est pas un homme de l'écrit mais un peintre, Jean-Dominique Ingres.
Par ailleurs, comme il est également souligné dans la préface rédigée par Adrien Goetz, agrégé d'histoire et historien d'art, il ne s'agit pas d'écrits au sens propre du terme à fin de publication mais d'un florilège de pensées consignées dans ses aide-mémoires personnels à destination de ses élèves.
Pour Ingres, peintre majeur du 19ème siècle, considéré comme un des grands maîtres qui a influencé toute la peinture de son siècle et même au-delà, "l'art vit de hautes pensées et de nobles passions" et
la peinture est un exercice spirituel, intérieur et méditatif qui requiert métier et technicité.
Dans ses pensées se retrouvent les principes qui constituent les fondamentaux du néo-clacissisme.
Admirateur inconditionnel du Quattrocento, siècle au terme duquel écrit-il avec Raphaël, Michel Ange et Le Titien, tout a été fait ce qui ne scelle pas la mort de la peinture car "il y a toujours à faire, même après eux, pour maintenir le culte du vrai et pour perpétuer la tradition du beau", il prône l'indispensabilité de l'étude des antiques et des classiques car "c'est en se rendant familier des inventions des autres qu'on apprend dans l'art à inventer soi-même".
Aussi il célèbre la gloire des anciens face à l'orgueil des modernes avec leurs "pompeuses ordonnances" et "autres coquetteries du métier qui ne disent rien à l'âme".
Son crédo pictural tient essentiellement en quatre principes : le primat du dessin ("Le dessin comprend les trois quarts et demi de ce qui constitue la peinture"), l'imitation de la nature ("Toute imitation de la nature est une oeuvre, et cette imitation mène à l'art") dans laquelle on trouve la beauté qui est pour lui "le grand objet de la peinture", la forme qui "elle est le fondement et la condition de tout", le principe de la sobriété chromatique écartant la pratique des "flatteries du coloris" et le refus de la touche apparente des romantiques qui est pour lui une facilité technique y préférant la laborieuse technique la superposition de glacis transparents.
Se reconnaissant volontiers intolérant, il n'hésite pas à vilipender l'engouement pour le neuf ("En dehors de la nature, il n'y a pas de neuf, il n'y a que du baroque ; en dehors de l'art tel que l'ont compris et pratiqué les anciens, il n'y a, il ne peut y avoir que caprice et divagation"), l'originalité ("Il faut être avant tout dans la voie du bien et du beau, et original si vous pouvez, mais dans cette limite") et même le talent ("De notre temps, il court les rues, mais c'est à vous dégoûter du talent").
Exigeant et intransigeant, il qualifiait ainsi ses tableaux : "ces enfants de mon âme qui m'ont coûté tant de soins, tant de sollicitations tendres et courageuses".
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