Yann Queffélec. Un nom qui chante la Bretagne, et donc la mer, et donc un esprit fin, vif et exigeant. Un nom qui résonne en littérature aussi ; c’est celui du lauréat du Goncourt de 1985 avec Les Noces Barbares. Le nom d’un adonné de lecture, enfin, qui a écrit pendant plus de vingt ans des chroniques littéraires pour le Nouvel Obs et qui se propose dans La Traversée du Petit Poucet d’en réunir de nombreuses, pour partager le plaisir de ces déambulations livresques.

Le recueil débute par un entretien insolite : celui du narrateur et de son double. Son moi intérieur, son double diabolique, sa face cachée ? Peu importe, finalement. Yann Queffélec utilise ce subterfuge étonnant pour se raconter, évoquer son parcours, et les moments importants de son existence. Les questions de l’interviewer sont forcément intéressantes - les interventions aussi - on n’est jamais mieux servi que par soi-même ! L’ancien marin a peut-être quelques difficultés à quitter la barre…

Viennent ensuite les chroniques. Ses chroniques. Ecrites depuis 20 ans. Pas classées par ordre chronologique mais par thèmes : les havres, les mirages, les tempêtes, la perdition, le grand large. Des titres liés à l’univers de la mer, évidemment. Même si l’auteur reconnaît au détour d’un article que la mer n’est pas un bon sujet de plume et que beaucoup d’écrivains s’y noient, l’écume des mots s’accroche toujours à l’encre de Quéffelec.

Comment décrire ces articles ? C’est le plaisir de lire, le pétillement des yeux du lecteur, le respect de l’auteur qui les composent. "Il faut savoir alterner les registres, l’ampleur et le trait, la gravité, l’humour, la tendresse, ne jamais donner de leçons mais creuser l’appétit du lecteur. En fait, sans déguiser mon opinion, j’apprends à ne jamais critiquer ni vitrioler un auteur sur le mode inquisitorial (…)". On sent l’amour de l’écrit et de l’écrivain en feuilletant ces chroniques rassemblées et distribuées à l’instar des petits cailloux blancs du Petit Poucet.

Mais où cela mène-t-il le lecteur ? A l’envie de découvrir certains livres évoqués, certainement. A la lassitude aussi, un peu, malheureusement. Car le style de Yann Quéffelec, s’il est d’un très bon niveau littéraire, n’est pas des plus distrayants. Il y a l’amour des livres, pas la joie d’utiliser les mots et leurs jeux. La tendresse, le respect, pas la passion. Cela manque un peu de "peps", de sourires complices, d’embardées ! Alors, au bout de plusieurs voyages (de nombreux tout de même !), le lecteur est tenté de rester au port. Et il fait bien finalement : le parcours du Petit Poucet a été composé de haltes, lui aussi ! Chausser des bottes de sept lieues pour enchaîner les chroniques, sans trop s’y arrêter par peur de s’enliser, ne présente pas beaucoup d’intérêts. Autant prendre son temps, récolter une à une les chroniques laissées par ce breton d’écrivain et se trouver un bon chemin de lectures à emprunter.